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26 septembre 2007

Les Mots du 21ème Siècle : Décomplexé.

Décomplexer : v. tr. de dé et complexer. Libérer de ses inhibitions, de ses complexes. Décoincer, décontracter, défouler. Libérer d’une gêne, d’un sentiment d’infériorité.
(in Le Petit Robert)


Comme on peut le voir, avant d’être décomplexé il faut avoir été complexé. Ca marche comme ça.
Prenons –avec des pincettes afin de ne pas le froisser- l’ADN d’un de nos nouveaux maîtres à penser récemment élus. Peut on y trouver trace d’une gêne ou d’un sentiment d’infériorité ?
Y a-t-il un gène qui sans doute fait détester sa petite taille pour alimenter l’ambition d’aboutir aux plus hautes fonctions ? Ou, le gêne de la peau bien rose –dit gêne Hortefeux- fait-il craindre les coups de soleil au point de renvoyer tout ce qui a peau mate ou sombre loin de sa vue ? Le gêne de la pauvreté est il efficacement combattu à coups de boules puantes en désodorisant afin d’éloigner les sdf des lieux de consommation ? Etc…

Mettons nous à la place du complexé Sarkozyen qui veut, peut enfin, se décomplexer aujourd’hui.
Quel est son grand problème ?
Il est très malheureux de gagner beaucoup d’argent et qu’on ne l’aime pas pour ça. Il est très triste qu’on se moque de sa Rolex neuve. Il est très gêné que la justice l’embête tout le temps à propos de ses stocks options ou parachute doré qu’il mérite. Il est très déçu qu’on parle toujours de ses plans sociaux et ses délocalisations parce que c’est pas lui, c’est le marché. Il est très mécontent qu’on lui dise que son 4x4 urbain pollue plus que de raison.
Il est complexé devant tous ces fonctionnaires et ces syndicalistes qui ne comprennent pas qu’ils seraient bien mieux entre ses mains, car lui saurait gagner de l’argent avec la santé, avec l’éducation, avec les prisons, même avec la Sécu si on le laisse faire.
Le complexé qui veut se décomplexer désespère que trop de gens n’adoptent pas son point de vue : plus un petit nombre gagnera plein d’argent, plus une majorité pourra en recueillir les miettes. Ce qui est mieux que d’essayer de partager tout cela en parts à peu près égales.
Le complexé regrette qu’on mette ses idées et ses pensées à l’écart. Pour lui, tout ça c’est la faute à ces décomplexés libertaires de Mai 68. Il a pourtant un discours généreux : il aime à distribuer ses pièces jaunes dans un geste de mansuétude pour tous ceux qu’ils ne veut surtout pas employer. Il aime rire avec les sketches rigolo de Bigard ou l’écoute attentive des Grosses Têtes. Il est patriote car avoir un chef c’est important, et parce qu’il vaut toujours mieux avoir l’Etat de son côté, même sil faut parfois délocaliser les conseils des ministres à Vichy pendant quelques années. Il participe à l’existence d’une pensée élaborée avec de grands guides intellectuels comme Guy Sorman ou Alain Minc (Jean Dutour ou l’intégrale des textes de Barbelivien conviennent aussi).

Que devrait faire un complexé de droite pour se décomplexer ?
L’usage thérapeutique voudrait qu’il comprenne l’origine de ses complexes. Pourquoi ais-je honte d’être si petit ? Pourquoi ais-je tant besoin de plus d’argent que je ne pourrais jamais en dépenser ? Pourquoi j’aime acheter des trucs qui brillent ? Pourquoi j’aime pas prêter mes jouets ? Pourquoi Alain Minc ou Jean Dutour ?
A part la dernière question, qui laisse perplexe tous les experts, l’expérience montre qu’une fois qu’il a répondu à ces angoissantes questions les complexes disparaissent. Notre homme ou notre femme à décomplexer est alors prêt à vivre sa vraie vie, débarrassé de l’envie irrépressible d’être plus que ce qu’il n’est réellement. Il ne vit plus sous l’inquiétude oppressante de tous ces autres qui pourraient être mieux que lui, avoir plus qu’il n’a, ou lui prendre un peu du pouvoir qu’il possède.
Il devient capable d’apprécier son existence, de nourrir des ambitions qui ne le dévorent pas. Il a des qualités et des défauts. Il est comme vous et moi.

Et voilà qui est bien ennuyeux de se dire qu’une fois décomplexé, on pourrait être comme vous et moi ! Banal, humain, généreux et très con, subtil et grossier.
Voilà la dure limite du processus de décomplexage !
A la dernière étape il est fréquent que le complexé Sarkozyen se décide à ne pas renoncer aux dîners chez Cath’ de Rotschild, aux croisières sur un Yacht, à remettre la légion d’honneur à Poutine, à son logement de fonction, à mille et une petite chose qui –croit il en vain- le distingue du commun des mortels.
Il faut le comprendre, c’est trop dur ! C’est trop ingrat !
Et qui continuerait à lire Jean Dutour et à acheter les bouquins d’Alain Minc ?

Il vaut donc mieux que ce soit les autres (vous, moi) qui se décomplexent.
En guise de droite soi-disant décomplexé, le mieux serait en fait que vous tous, les complexés de gauche faisiez le chemin inverse. Devenez des complexés de droite et coûte que coûte faites croire que là réside le bonheur.
Qu’il est bon de tout partager, mais uniquement avec soi-même. Que le bien public c’est bien quand vous avez des problèmes, mais que quand tout roule, quoi de plus normal d’être le seul à en profiter ? Que les étrangers (c'est-à-dire, les autres, tous les pas comme vous) n’attendent qu’une chose, occuper votre place, abuser de vos pièces jaunes, profiter de vos efforts. Qu’une couverture de Voici vaut mieux que la collection complète de l’Huma. Qu’il vaut mieux 1000 sans logis pour 1 sans profits que l’inverse. Que la démocratie c’est bien tant qu’elle se montre obéissante. Que la peur fabriquée par vos complexes est la plus sûr garantie du bonheur.

Décomplexez-vous, et donnez à ce mot un autre sens que celui prévu par Petit Robert : simplifiez, résumez, écourtez, réduisez, ratatinez… tout ce à quoi vous pourrez penser.
Et bonne chance si vous pensez être plus heureux après ça.

LectureYann073_PhilipRoth_PortnoyEtSonComplexe

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Commentaires
T
Les flippers ont aujourd'hui disparu des arrières-salles des bars enfumés !
L
> Richard.<br /> Tu poses une question intéressante sur le droit à l'égalité et le droit au bonheur. En effet on peut être riche et malheureux (de ne pas être encore plus riche par exemple, hi hi hi) et pauvre et heureux quand même.<br /> Les questions liées à l'état de bonheur dépendent de facteurs bien plus vastes que le seul aspect "sociétal" comme on dit aujourd'hui.<br /> Le droit au bonheur n'est pas vraiment du ressort de l'état, et comme tu le rappelles très justement, quand l'état se mêle de définir le bonheur des peuples ça ne donne rien de bon.<br /> Alors, non, bien sûr le mérite n'est absolument pas un mot tabou pour moi. Et justement c'est là que l'état (c'est à dire nous) intervient, pour permettre quelquesoit sa condition de départ, d'accéder aux possibilités qu'offre la société. La fameuse égalité des chances, la fameuse solidarité.<br /> Actuellement c'est cette égalité des chances qui est de plus en plus en perdition. La seule appréciation de la richesse financière comme terme d'une réussite est en fait un appauvrissement. La richesse n'étant pas que financière (j'aurai dû le préciser) c'est aussi le creusement des inégalités à d'autres richesses : l'accès à l'éducation, à la santé, au travail, à la promotion, à la justice, à la sécurité... qui m'amène à souhaiter une répartition égale (de toutes les richesses) au sens de leurs conditions d'accès.<br /> Ce débat n'est pas nouveau, et il ne consiste pas à opposer les riches aux pauvres ! Je préfère opposer ceux qui estiment que c'est dans la nature de chaque homme de se débrouiller de sa vie (et tant pis s'il est né du mauvais côté de la barrière. Qu'il travaille dur, et peut être, peut être que...), et ceux qui considèrent qu'une société moderne a plus de chances de réussir si elle favorise les conditions de réussite sous toutes ses formes de sa population toute entière.<br /> Je ne veux pas généraliser, mais promouvoir l'arrogance de celui dont la richesse (argent, carnet d'adresse, profession, naissance...) lui permet d'être à l'abri de tout, voire même à l'abri des abus qu'il commet ne me paraît pas être une bonne politique.<br /> Elle favorise le chacun pour soi, un réflexe compréhensif quand les miettes du gateau à se partager deviennent de plus en plus rare.<br /> Mais un réflexe tout aussi destructeur en ce sens qu'il ne fait que conduire à la révolte et aux excès de toute sorte (ça aussi on l'a vu).<br /> Au delà d'une position sur la place de l'être humain dans la société, je m'étonne même que les tenants du "chacun pour soi" ne voient pas là qu'il s'agit d'un investissement sur l'avenir improductif et voué à l'échec.<br /> Il me semble qu'on ne peut penser et obliger le bonheur de son voisin sous peine de mal finir. On ne peut pas non plus l'ignorer sous peine d'en être un jour la victime.
R
Oui, bon. J'aime bien la forme de ton billet, je suis moins d'accord avec au moins l'un des aspects du fond.<br /> Tu parles, en filigrane, d'inégalités sociales. Est-ce que ça veut dire inégalités au bonheur? Je dis souvent que gagner beaucoup d'argent est le problème des gens riches. Ceux qui en gagnent peu ne sont pas forcément plus malheureux. Le bonheur, c'est plus complexe (tiens!) que ça, c'est aussi très personnel. Bien sûr qu'il faut aider les plus fragiles et continuer à dénoncer les mesures injustes du gouvernement Sarkozy-Fillon. Mais j'en ai un peu ras la casquette, à vrai dire, du discours gaucho-démago qui consiste à opposer systématiquement les "riches" aux "pauvres". Et répartir "les richesses en parts à peu près égales", on sait où ça a mené ailleurs, il n'y a pas longtemps. Surtout quand cet "à peu près" là permet d'engraisser une nomenklatura dont le mérite (j'espère que ce mot n'est pas tabou dans ton lexique perso) n'aura pas été de créer un jour des entreprises innovantes mais seulement de réussir à sangler 99,2 % d'une population... par des utopies comme celle-là.
L
> Fauvette.<br /> Merci !<br /> :-)<br /> Le vocabulaire est réduit, mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il nous est martelé. Même dans 10 ans, on pourrait s'en souvenir encore !
F
Excellent ce billet !<br /> Moi je crois qu'ils ne sont pas complexés du tout, du tout ! Encore de la com, rien que de la com !<br /> C'est une excellente idée LVN que de recenser le vocabulaire sarkozien, 5 ans ne sera pas de trop ! Au boulot !
L a V i t a N u d a
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L a     V i t a     N u d a
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