La Faucheuse En Cinémascope.
C'est bien triste et bien dommage, mais en peu de temps il faut bien constater que la faucheuse est venue ravager les rangs du 7ème art. Serrault, puis Bergman et maintenant Antonioni... Comme le général Custer va t'il bientôt falloir penser qu'un bon cinéaste ou un bon acteur est un cinéaste et un acteur mort ?
Argh !
En même temps je me souviens d'un temps, ou tout petit, je m'étais dit que les acteurs et les metteurs en scène devraient mourir plus souvent. Non, je ne traversais pas -alors- une période faite de ces complexes infantiles propres à vous mener, plus tard, s'ils ne sont pas surmontés, à devenir serial killer, pervers obessionnel ou homme politique ! N'allez pas croire une chose pareille !
Je vous parle d'une époque ou, quand un honorable et un peu célèbre membre de la confrérie des arts du spectacle passait de vie à trépas, et ben on avait droit de voir un de ses films le soir même. Moi, j'aimais bien quand Bourvil, John Wayne, De Funès, Gabin, Henry Fonda... cassaient leur pipe. Pour moi ils n'étaient pas (encore) morts puisque le soir même j'allais pouvoir les voir sur petit écran.
C'était la fête ! La certitude d'échapper à un programme tout pourri, un débat genre Heure de Vérité, un feuilleton nazebroque style "Les Dames de la Côte", une variétoche implacablement bouffe-tympan à la "Ring Parade", etc.
Et puis, que s'est il passé, allez savoir.
Mais assez rapidement, à partir du moment ou les télés se sont privatisées et ou les chaines publiques ont singé leurs concurrents multi-publicisés, tout à changé. Robert Mitchum pouvait casser sa pipe on allait pas interrompre Julien Courbet pour autant. Federico Fellini peut bien crever, on va quand même pas déprogrammer Fogiel pour ça. Cary Grant peut manger les pissenlits par la racine, aucune chance de dévier pour un soir l'implacable audimat de Gilles Villeneuve et son énième reportage sur les commandos de l'extrème ou la prostitution made in Russia.
C'est pour ça, que maintenant les gloires du 7ème art meurent en masse pendant l'été.
L'été, c'est relax. C'est les vacances. On est moins à cheval sur le tunnel publicitaire qui commence à 20.30 pour se finir vers 20.59, et sur l'implacable étalement de bouse à rendre le cerveau disponible.
Passer "8 et demi" de Fellini, en prime time, en pleine année, c'est désormais sacrilège !
Ca va pas la tête non !
Mais en plein Juillet-Août, quand tout le monde s'en fout un peu de la télé, faît relâche devant un apéro qui joue les prolongations, quand nos têtes d'affiches cathodiques sont elles même en vacances en train de chasser le paparazzi... alors, l'acteur célèbre peut mourir.
Et espérer une dernière fois marquer quelques esprits de son talent.
Hélas, là ils s'y sont mis à plusieurs, et de façon trop rapproché. Ils auraient dû se parler Ingmar, Michelangelo et Michel ! S'organiser un peu merde ! Prévoir quelques jours d'écarts entre leur grand départ vers l'inconnu. A quoi ça sert qu'on ait fait l'Europe, nom de dieu ?
Ca complique tout, ces morts à répétition !
Faisez un peu gaffe ! Pas la peine de faire le cabotin, genre "c'est moi qui mourra le 1er et qui ramassera les hommages d'abord, et toc !".
There is no business like show business...
En France on a choisi.
Plutôt Serrault dans un Chatilliez, que Bergman dans (au hasard) le 7ème Sceau.
Je suis sûr qu'en Suède c'est l'inverse (ah, ben ça rigole pas tous les jours en Suède hein. Quoique... Bergman avait un certain humour). Et probablement que ce soir, la Rai passera un Avventura ou un Blow Up d'Antonioni plutôt que La Cage Aux Folles. Enfin... si tout les Italiens ne regardent pas plutôt la pépette qui présente le foot sur Canale Cinque !