Smoking, No Smoking.
Je sais… J’ai tort… Quand j’ai arrêté de fumer, je n’aurais pas du reprendre.
Au moins cette boulette fondamentale me vaut la joie et le bonheur de me confronter au quotidien de cette race odieuse et dégénérée que constitue aujourd’hui les fumeurs. D’horribles individus, qu’il faut éradiquer au plus vite de notre société heureuse. A quand la création d’un ministère de surveillance des fumeurs !?
Reconnaissons que –de manière générale- les fumeurs l’ont bien cherché. Pendant des années, ils (nous ?) ne se sont pas gênés pour polluer en parfaits égoïstes nicotinomanes l’atmosphère de nos bureaux et domiciles, sans grande considération pour les non-fumeurs alentour. Même si je fumais aussi, j’ai été plus d’une fois impressionné par le dédain des accros à la clope pour tous ceux qui étaient incommodés par leurs 2 paquets quotidiens de Gauloises, grillées en bureau paysager, ou par le nuage bleu-fumé qui planait dans le salon ou Oncles, Beaux Frères, Parents et Grands Parents digéraient le gigot dominical pour le plus grand bénéfice de leurs mioches en bas âge.
Moyennant quoi, le retour de bâton est celui qu’on connaît aujourd’hui.
Les fumeurs sont bannis. Dans « c’te boite », nous avons d’abord été interdits de cigarette à l’intérieur des bureaux (malgré la résistance de ceux qui avaient un bureau à eux tout seuls). Nous nous sommes expatriés dans les couloirs et les entrées des étages. On y a vu fleurir toutes sortes de cendriers les plus hétéroclites, les plus bizarres, les plus rigolos, un vrai cauchemar de brocanteur ! Quand même toujours mieux que les fumeurs dégueux jetant tout simplement leurs mégots sur le sol, dans les escaliers… pour le plus grand plaisir des aspirateurs poussifs et exténués du personnel d’entretien.
Mais pas question de s’arrêter là. Bientôt, il a fallu migrer plus loin, les parties communes étant elles aussi considérées comme zone interdite. Nous, les moins que rien de fumeurs, nous nous sommes donc retrouvés dans les escaliers. Ca n’a pas traîné : interdit aussi. Nous sommes donc descendus dans une réserve pour fumeurs : une cafétéria pourrave de l’entresol ou se retrouvaient donc les lemmings migrateurs de la Marlboro Light®.
Nous nous sommes crus enfin dans une enclave protégée, loin de tous, tous ceux qui nous pompent l'air (sic) sous prétexte de notre bonne santé. Tous les hystériques de l'hygiénisme moderne trop content d'avoir trouvé une alternative à l'extermination de leurs acariens. Un temps nous formions ainsi une sorte de club très fermé, souterrain, un petit village Gaulois qui résiste grâce à sa fumée magique.
Mais que nenni !
Il faut dire que cet entresol est aussi le lieu de stockage des archives, avec des kilomètres de rayonnages pleins de dossiers et paperasses diverses, entreposés par toutes les « c’te boite » du bâtiment. Une zone fumeur à cet endroit, c’est vrai qu’il fallait y penser !
Alors –question de sécurité et réglementation aidant- la sentence est tombée un beau matin : interdit de fumer dans tout le bâtiment. Tout partout.
Nous avons donc été expulsés dehors, aux portes d’entrées. Mais puisqu’elles sont au milieu des quais de livraisons, il n’a pas fallu longtemps avant qu’on nous repousse un peu plus loin encore, sur le parking, dans le vent et sous la pluie. C’est vrai qu’installer une zone fumeur sur des quais pouvant accueillir toutes sortes de produits, parfois inflammables ou explosifs ou toxiques… il fallait aussi y penser !
Si avec tout ça, on n’était pas encouragé à arrêter la cigarette c’est que vraiment, on y met de la mauvaise volonté !
Car l’affaire est entendue. Les fumeurs sont à ranger dans la catégorie des délinquants d’aujourd’hui. Dans les films, les séries… y a plus que les méchants qui fument, c’est même à ça qu’on les reconnaît (trop facile !). Dans les débats, les émissions littéraires, finit l’époque de l’écrivain ou du journaleux qui tirait sur sa bouffarde ou sa Gauloise en plein débat sur « Le Marxisme est il l’avenir de l’homme » ! Finit le ministre, ou le candidat qui allumait sa clope devant les caméras. Finit les jets de cendriers dans la tronche pendant les débats sur "Droits de réponse". Finit tout ça…
Bouh que c’est vilain de fumer !
Résultat paradoxal : plutôt que de prendre un plaisir pervers à enfumer mes petits chefs désagréables, mes collègues casse-bonbons, ou les fumeurs repentis inscrits aux Fumeurs Anonymes ou aux Weight Fumeurs (les pires). Ceux là qui s’agitent en tout sens à la moindre vue d’une cigarette, qui brandissent le règlement intérieur, le code de la santé, et blablabla… avant de remonter dans leurs 4x4, pour passer à la pharmacie y acheter leur Prozac, puis emmènent leurs gamins au Mac Drive et trouvent que les émissions de Charles Villeneuve, ou les discours de Sarkozy c’est bon pour la santé… Plutôt que ceux là, j’ai tendance à enfumer mes amis d'une indulgence coupable, quand ils m’invitent chez eux, histoire de profiter d’une (ou plusieurs) petite cigarette devant l’apéro ou avec le café…
Je sais pas vous, mais ce martelage de la santé anti-tabac "pour vous jusqu'au malgré vous", moi ça me fait un effet inverse. Ca titille mon sens de la contradiction, mes (mauvais ?) penchants à préférer ne pas être du côté du manche, ma mauvaise foi qui trouve à se justifier dès qu’il s’agit de ne pas rentrer dans le rang… Et si en plus, ça me permet de satisfaire mon addiction à la nicotine plutôt que de me donner envie de vraiment boycotter les pirates industriels de l’industrie du tabac… Je ne me fais pas prier.
Ca devient tellement grotesque parfois que maintenant quand j'entend le mot anti tabac, je sors mon briquet pour m'en rallumer une.
Et pas la peine de me traiter d’abruti, je le fais tout seul.
Là ou ça devient un peu plus rigolo, c’est qu’on est en train d’atteindre le sommet du ridicule, car comme vous le savez (ou pas), il est interdit de fumer dans les lieux publics (et je trouve ça normal), mais il y est aussi interdit de faire l’apologie, ou la promotion du tabac sous toutes ses formes.
Ce qui veut dire que –par exemple- si vous allez au théâtre, vous n’avez pas le droit de fumer dans la salle, ou à la buvette, ou même dans les toilettes (eh oh, on n’est plus au bahut !).
Mais maintenant, imaginez que vous alliez voir une représentation de Molière. Don Juan par exemple. Vous vous rappelez peut être de vos commentaires composés de lycéen sur cette tirade de Sganarelle :
(tenant une tabatière) « Quoi que puisse dire Aristote et toute la philosophie, il n'est rien d'égal au tabac: c'est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre. Non seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu, et l'on apprend avec lui à devenir honnête homme. Ne voyez-vous pas bien, dès qu'on en prend, de quelle manière obligeante on en use avec tout le monde, et comme on est ravi d'en donner à droite et à gauche, partout où l'on se trouve? On n'attend pas même qu'on en demande, et l'on court au-devant du souhait des gens: tant il est vrai que le tabac inspire des sentiments d'honneur et de vertu à tous ceux qui en prennent… ».
Et bien voilà : apologie du tabac.
Pas bien !
Moche !
Horrible même !
A bannir donc.
Vous rigolez, mais en Grande Bretagne le pragmatisme Britannique a déjà conduit à expurger quelques textes de leurs odieuses soumissions à la perversion ultime du tabac. Et il est question qu’on suive le mouvement en France aussi. « Dura lex, sed lex » comme dirait Sarkozy s’il avait des lettres.
Alors pendant qu’on y est, ça serait bien qu’on pense à sucrer tous les films ou James Dean, Bogart, Brando, Gabin, Ventura, Dewaere… sont en train de s'arrimer à une cibiche en grand écran. Il faudrait aussi redessiner tous les Lucky Luke d’avant l’époque ou il s’est mis à mâchonner un brin d’herbe plus vite que son ombre. Et je ne vous parle pas de tous ces disques psychédéliques à censurer d’un sticker « contient des paroles qui nuisent gravement à la santé ».
Et la carte postale de Prévert assis sur un banc, sa clope au bec ! Pendant que les crétins en feront de polluants autodafés en hurlant "Bouh, c'est vraiment pas bien de fumer", il en restera quelques uns qui se l’échangeront sous le manteau.
Surtout ne pas se faire prendre ! En taule, -un lieu public- théoriquement il est désormais interdit de fumer.