Mon Immeuble Yacoubian 4 - Iouri et Irène.
Irène et Iouri sont arrivés il y a peu dans notre immeuble Yacoubian.
Il faut dire qu’il y a quand même du turnover dans cet immeuble. Pas mal de petits appartements, de studios ou de deux pièces, ou viennent se loger pour un an ou quelques années de plus des étudiants dotés de parents à fortes cautions, de jeunes couples qui auront besoin de partir dès l’arrivée des petits Théo ou Isild.
Je ne sais pas combien de temps vont rester Irène et Iouri dans notre immeuble. C’est qu’ils viennent de loin ! Irène a rencontré Iouri en Russie. C’est plutôt inhabituel ! D’habitude c’est plutôt des filles Russes qu’on voit arriver à Paris, assez souvent au bras d’un homme, pas Russe, qui à leurs yeux disposent d’un sésame à une vie heureuse, parfois assortie d’une forte caution également. Ca c’est dans le meilleur des cas. On en voit parfois d’autres qui ne sont pas forcément venues de leur plein gré...
C’est donc Irène qui a ramené Iouri. Irène est plutôt dans la catégorie brune piquante. Par exemple, elle pourrait avoir des parents ou des grands parents qui ont fuit le franquisme dans l’Espagne d’avant. Elle a une sorte de tempérament Almovodarien pour tout dire ! Un mélange de franc-parler, de générosité, de naturel, les pieds sur terre et à l’arrière plan une touche d’excentricité qui ne demande qu’à bondir au devant de la scène.
Qu’est ce qu’elle est allée faire en Russie ? Eh ben elle est allée cherche Iouri évidemment !? Le reste, c’est pas forcément intéressant. C’est surtout que je ne me souviens plus…
En tout cas, ils forment un couple attachant tous les deux.
Iouri lui, c’est le Russe comme on l’imagine. Le genre « Caucasien » comme on dit dans les films policiers, terme d’usage pour décrire un blanc en langage flico-politiquement correct. Iouri, il suffirait de lui mettre un uniforme de l’armée rouge pour imaginer un garde du Kremlin, une combinaison de cosmonaute pour imaginer un Iouri oui, mais un Iouri Gagarine. Toujours est il que Iouri a suivi Irène en France et que maintenant il apprend à parler le Français, qu’il bosse ici et là, comme il peut, comme plombier (même pas Polonais), électricien, chauffeur… Enfin bon, tous ces boulots qu’on peut faire quand on vient de loin, qu’on est pas pour autant devenu apparatchik capitaliste, susceptible de s’habiller avec des costumes fabriqués par Areva sous prétexte qu’on est dans les z'affaires là-bas chez les Russkofs.
Moi je ne connais pas la Russie d’aujourd’hui. Pour moi c’est encore un mélange entre Docteur Jivago et l’Archipel du Goulag, remixé à la sauce Poutine. Le Far East ! Je ne suis jamais allé là-bas. Alors Iouri et Irène ont pu me raconter quelques petites choses, qui m’en ont appris sur les Russes comme Boris Pasternak, Dostoievski… ou la lecture du compte-rendu des travaux du Congrès des camarades du PCF pour la promotion du centralisme démocratique visant à établir la dictature du prolétariat à la cantine de leur immeuble place du Colonel Fabien. Ouf !
C’est comme ça qu’Irène m’a appris qu’à son arrivée en France, Iouri a découvert l’existence de la baignoire. Hé, ho, j’ai pas dis que les Russes ne se lavent pas ! Mais pas tous dans une baignoire. Bon, bref, Iouri découvre qu’on peut prendre un bain dans un truc appelé baignoire. Mais comme il ne sait pas comment ça marche une baignoire, il ne sait pas non plus qu’il faut mettre la bonde pour faire couler un bain. Alors il fait couler l’eau à fond. Tout le temps. C’est sympa ! ça glougloutte à qui mieux mieux ! Jusqu’à ce qu’un jour Irène arrive dans la salle de bain et comprenne pourquoi la facture d’eau a augmenté de 400%.
Iouri, lui, m’a appris que dans le coin de Russie ou il vivait, les habitants payaient le gaz à l’année. Un forfait gaz quoi. Tellement pas cher, même pour les Russes (essayez d’imaginer ça), que les habitants laissent le gaz de la cuisinière allumé jour et nuit. Comme ça, ça chauffe aussi un peu la maison… Ben oui quoi !
D’ailleurs –et ça je l’ai constaté- les Russes ils ont du pétrole, du gaz, et quand ils n’ont plus d’idées ils ont de la vodka !
Ca devait être pour ça que mes souvenirs de cette discussion avec Iouri sont devenus plus confus par la suite.
Ressers moi un verre de cette vodka, Tovaritch Iouri !
Za Nasdarovie !
*posté par anticipation. LVN est en Allemagne aujourd'hui.