La Consommation des Idées.
A l'heure de la virtualisation intensive, j'en viens à me poser la question de l'utilité de tout un pan de la blogosphère. Rien aujourd'hui qui n'échappe aux yeux des caméras de surveillance, des appareils photos numériques, des portables, des sites web, des blogs, des télés, des radios, des journaux...
Nous sommes informés de tout, tout le temps... Et même mieux, à peine connue rien n'échappe à sa reprise immédiate d'une information sous forme de critique, de billet, d'analyse, de commentaire, d'étude, d'opinion, d'avis, de réflexion, de chronique... A peine un fait est il porté à la connaissance de tous que déboule aussitôt son cortège d'exégèses et ses décortiquages en tout sens.
Mais justement, en tout sens, est ce que cela fait vraiment sens ?
On peut se féliciter que beaucoup, spécialistes comme néophytes réagissent devant chaque évènement quotidien pour le questionner et proposer la perception qu'ils en ont. Bonne nouvelle, nous ne sommes pas insensible à la marche du monde ! Mais au bout du compte est ce que cela produit vraiment quelque chose ?
Est ce que cela génère de l'action ou simplement un effet de bruit de fond qui sous couvert d'une discussion permanente en tout sens, s'étourdit dans le discours dans un "cause toujours tu m'intéresse" qui tout bien pesé ne fait pas avancer le schmilblick ?
Oui, cela produit quelque chose si on repense à la contribution des web-citoyens lorsqu'il s'agissait du débat sur la constitution européenne, ou sur la mise à l'écart homophobe de Garfield, ou plus récemment sur le traitement des sans-papiers et la menace sur les mineurs générée par la circulaire Sarkozy... Les esemples ne manquent pas, ici comme ailleurs.
Non si on considère par ailleurs l'absence d'un débat consistant sur les idées à quelques mois des présidentielles, sur le surf des hommes politiques à travers leurs blogs alors que plus que jamais leur image remplace leurs programmes, sur notre méfiance vis à vis d'eux, sur l'apparition de blogs de propagande, et de marketeurs de tout poils qui scrutent les tendances numériques de tout poil.
Pendant que les journaux d'opinions voient leur influence décroitre au profit de gratuits qui se contenent de recopier des dépêches AFP.
Je n'ai pas de réponse définitive, sinon qu'il me paraît que cette sorte d'énivrement permanent au débat et au commentaire aboutit à une forme de stérilité en ne prêchant que pour les convaincus d'un camp ou d'un autre. Que produire du commentaire ce n'est pas forcément produire de la connaissance et de la compréhension. Et que de plus en plus, ceux qui pouvaient rêver d'une université populaire virtuelle se retrouvent de plus en plus dans un café du commerce qui n'a même pas forcément l'avantage d'être haut en couleur et chaleureux, comme le petit zinc ou il m'arrive d'aller boire mon café du matin.
Le temps de l'analyse, de la finesse, de peser le pour et le contre, de confronter et préciser sa pensée me paraît de plus en plus rare sur les blogs (et ailleurs aussi) ou la vitesse et l'étourdissement virtuose, l'illusion de jongler avec le pouvoir des idées remplace la modestie, l'écoute, et le partage (ce qui n'exclut pas forcément des positions claires et affirmées sur son opinion pourvu qu'on accepte de l'éprouver).
Bla bla, bla bla et le ciel des fils RSS t'aidera.
Pour l'instant j'en suis là.
Pas sûr des bienfaits apportés par cette blogosphère qu'il est devenu top tendance de citer, reprendre et faire entrer à coups d'approximation dans le grand cirque du "cause toujours". Mais certain qu'il vaut mieux ça qu'un grand silence ou pas une tête ne pourrait dépasser.
Alors aujourd'hui, je voudrais simplement vous proposer un petit test :
Débranchez vos PC, fermez vos journaux, posez vos livres, éteignez la radio, débranchez vos consoles de jeu, décalez votre séance de cinéma ou de théâtre, reportez cette conférence, coupez votre téléphone... et laisser vous aller simplement à penser.
Est ce que vous ne vous sentez pas mieux ?