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14 novembre 2005

In The Smoking Room

Nous arrivons à Bangkok.

Accompagné toute la nuit par les pleurs du bébé à côté de moi, on ne peut pas dire que j'ai vraiment dormi.
L'aéroport a beau être en voie de modernisation, rien de changé depuis ma dernière visite. Nous traversons les longs couloirs jusqu'à la douane. Et puis nous attendons.

Ce qui a changé, c'est que les douanes Thaï se sont dotées d'un système dernier cri. Une sorte de globe oculaire monté sur un pied flexible photographie un par un la bobine des visiteurs. Ca a son côté futuriste manga assez rigolo. La Thaïlande craint elle le terrorisme qui a déjà sévit chez elle et dans les pays alentours ?
En tout cas, c'est long. Surtout qu'il n'y a que la moitié des guichets ouverts et que de nombreux vols arrivent d'un peu partout, déversant leurs cargaisons de voyageurs dans cette file qui n'en finit pas de s'allonger.
Certains disent que la Thaïlande, c'est un peu la France de l'Asie du Sud Est. Ce qui, au nombre insuffisant de fonctionnaires malaimables qui tamponnent nos passeports, paraît se vérifier.
Pendant que mon boss peste et râle tout ce qu'il sait (et il en sait beaucoup de ce point de vue), puisqu'il n'y a rien d'autre à faire que de prendre son mal en patience, il me prend l'envie de griller une petite cigarette pour tromper le temps.

L'aéroport est "non fumeur", mais il y a ces espèces d'aquarium dans lesquels les intoxiqués sont autorisés à aller se droguer à la nicotine (et rien d'autre). Je décide d'aller y voir de plus prêt. D'habitude je m'abstiens. C'est le genre d'endroit qui donne plutôt envie de fuir. Habituellement un brouillard opaque règne dans ce genre d'endroit, et y entrer pour juste une respiration suffit à vous fournir en nicotine et tabac pour au moins six bon mois.
Mais pour l'instant, il n'y a quasiment personne à l'intérieur. On peut même y voir nettement ceux qui s'y sont risqué. C'est plutôt bon signe. Alors je risque une entrée.

Une fois à l'intérieur je reconnais mon autre voisin de la rangée de gauche dans l'avion. On a pas vraiment pris le temps de discuter pendant le vol, alors solidarité des fumeurs aidant nous rattrapons le temps perdu, le temps d'en griller une.
C'est un jeune gars d'une trentaine d'année, le visage un peu poupin et bronzé. Je pense à un jeune cadre stressé qui vient prendre quelques vacances sur les plages de Thaïlande. Tout faux.
Il travaille depuis plusieurs années pour une ONG et me raconte en quelques mots son travail.
Il a passé pas mal de temps en Afrique ou il s'occupait des "enfants soldats" et là il est en transit à Bangkok avant de reprendre un vol vers Colombo pour vérifier quels sont les résultats obtenus par la mission locale.
Et il m'explique.
Il m'explique qu'après le tsunami, des filières de traffic et de prostitution enfantine se sont rendues dans les régions les plus touchées. Là, ils s'adressent aux plus pauvres, à ceux qui ont tout perdu, et embarquent leurs enfants en prétendant qu'ils seront pris en charge, nourris, soignés, protégés. Les enfants sont emmenés, envoyés dans d'autres pays, parfois jusqu'en Afrique, pour brouiller les recherches, par ces filières très bien organisées, pour terminer dans ce que vous pouvez imaginer de pire.
Il part au Sri Lanka pour voir ou en est la mission qui fait de la prévention auprès des parents et des familles, et de retrouver les enfants emmenés contre des promesses et un peu d'argent.

L'envie de la cigarette a disparu.
Le jeune gars a fini la sienne, il part prendre son vol, je retourne dans ma file d'attente.
Mon boss peste tant et plus après Les Fonctionnaires, et cette attente qui n'en finit pas. J'entend sa voix de plus en plus loin en me demandant si on a vraiment les souçis qu'on mérite ?
Mon tour arrive enfin, ma bobine est photographiée par la E.T webcam des douanes Thaïlandaises. Elle va rejoindre une banque de données qui doit bien déjà compter quelques milliers de visages. Bien qu'il y ait peu de chances qu'ils soient passé par cet endroit je me demande ou vont les photos des enfants passés par là.

bangkokairport1

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Commentaires
L
> Gilda.<br /> En fait, stupéfait oui, mais ensuite étonné non.<br /> Je ne sais pas si c'est une bonne chose de "s'habituer" (j'ai pas dit résigner) à l'horreur.<br /> <br /> > Vroumette.<br /> Oh ben oui, heureusement. C'est un peu plus joyeux après !
V
Gasp. Je m'aperçois que j'ai tout le périple à rattraper et je commence par ton arrivée et ce écit "sordide". Etonnée non! Malheureusement trop consciente des horreurs, mais toujours écoeurée, jamais habituée, jamais résignée.<br /> <br /> Bon, j'espère que la suite de ton récit est plus joyeux.
G
depuis le délire nazi de l'assassinat de masse industrialisé, plus rien ne peut m'étonner (j'en ai peur) ...
L
> Gilda.<br /> J'avoue que ma première réaction quand Mr ONG m'a raconté ça dans la smoking room, c'était un effet de surprise total, la stupéfaction !<br /> Penser à exploiter la misère d'une catastrophe comme celle-ci, à des fins aussi odieuses que celles là, j'avoue que je me demande même comment on peut simplement y penser.
G
il n'y a pas de mots pour dire comme ça m'afflige, d'autant que d'une façon ou d'une autre c'est partout : <br /> http://www.liberation.fr/page.php?Article=338733<br /> (pour ne prendre que le plus récent et parce que je sais que tu es lecteur de ce journal)<br /> <br /> Je pense aussi, même s'ils vivent dans un monde où la naissance d'un enfant tient plus d'un malheur que d'une bénédiction, aux parents de ces gosses, contraints par survie (celle de l'enfant ou la leur même) de "vendre" l'être qu'ils ont porté.
L a V i t a N u d a
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