Les Rencontres de Hasard.
C'était à quelques heures du décollage.
Parfois on croit reconnaitre quelqu'un mais on est pas forcément certain. C'est bien lui ? C'est bien elle ?
C'est encore moins évident s'il s'agit de quelqu'un qu'on ne connait que de loin, dont on n'a vu que des images, des films...
Parfois, aucun doute.
Par exemple comme cette fois ou je trainais ma carcasse à New York. J'étais venu déposer des papiers chez un ami et en repartant, l'ascenceur s'arrête à un étage pour laisser entrer de nouveaux passagers. Et voilà qu'en face de moi, entrent dans l'ascenceur Woody Allen et Mia Farrow.
Rien que nous trois.
Je n'avais pas osé dire la moindre chose. Déjà que la course à la célébrité me fait souvent rigoler, mais là... Woody Allen et Mia Farrow... J'avais préféré faire celui à qui ça arrive tous les jours. "Quoi ? Encore Woody Allen et Mia Farrow !". Surtout je me dis, après tout c'est des gens comme les autres. Et même si on apprécie leur travail c'est pas une raison pour leur casser les pieds : "Wooooooody Allen ! Mia Faaaaarrow ! Waow ! The greatest day of my life !? Please sign on my T Shirt !" ou un truc dans ce genre vous voyez.
J'étais juste content de les avoir vu pour de vrai, et puis voilà.
Donc l'aéroport, et la file d'attente à côté de la notre.
Il y a cette femme. Mais ou l'ai-je vu ? Je cherche. Je trouve pas, sa tête je l'ai au bout de la langue en quelque sorte. Je cherche, recherche, retourne chaque neurone pour voir si son nom n'est pas caché en dessous. Vite ! Je vais bientôt passer l'enregistrement et après ce sera trop tard.
Et pi hop ! Ca y est !!
Je crois mais j'en suis pas sûr.
Cette brunette qui attend sagement son tour dans la file (et qui s'en va ou, j'en sais rien) c'est peut-être bien Allessandra Ferri. Je sais. Avec ça vous êtes bien avancé. Vous n'êtes pas forcément obligé de savoir qu'Alessandra Ferri est une danseuse étoile Italienne. A moins que vous n'ayez vu sur Arte il y a déjà un bon moment un film avec un extrait de ballet ou elle danse pendant que Sting (quel m'as tu vu celui-là) joue du bach avec sa guitare, torse nu (Sting, pas la guitare torse nue bien sûr).
Bon voilà. Je crois que j'ai vu Allessandra Ferri pour de vrai. Mais j'en suis pas certain. D'abord elle n'est pas accompagnée par Sting torse nu ! Et elle n'est pas en train de faire des pointes dans la salle d'embarquement (ça serait rigolo pourtant).
Evidemment je n'ose pas aller demander. Il faudrait que je quitte la file d'attente. Et j'imagine la tête de mon boss et V. qui partent en même temps que moi : "Je suis juste allé voir une danseuse étoile, c'est rien boss" - "Une danseuse quoaa ?" - "Ca fait rien boss, laissez tomber".
Mais bon, voilà dans ma tête, je suis persuadé d'avoir vu la vraie Allessandra Ferri alors que ça n'était peut être que Mme Cohen Solal de Fontenay aux Roses !
Je regarde ses pieds (jolies chaussures).
Il faut vous dire que j'apprend beaucoup de choses sur les gens en regardant leurs pieds, ou plutôt la façon dont ils se tiennent. C'est un des trucs qui se développent quand on apprend à danser (aussi risibles que puissent être nos efforts).
On apprend à lire la façon dont on se considère par le simple maintien de son corps : depuis l'axe qui maintient tout un chacun en allant des pieds jusqu'à la nuque en passant par la position des hanches et du bassin, ainsi que le placement des épaules et des bras...
Généralement je n'en tire aucune conclusion. Chacun a plus d'un tour dans son sac pour montrer ou cacher les trésors de sa personnalité. Mais tout aussi généralement je me trompe rarement. Même pour moi, je sais grâce à cela de quelle humeur je suis, ce qui va ou ne va pas en ce moment.
Mais voilà. Je m'engouffre dans la passerelle. En laissant la vraie ou pseudo Allessandra Ferri derrière moi. Je ne saurais jamais si c'était elle ou pas. Dommage. Pour une fois j'aurai bien aimé laiser quelques sons franchir ma bouche. J'aurai bien aimé lui parler, lui demander ce qu'on ressent quand on danse Giselle pour la première fois, ou autre chose...
A peine assis, et grâce à la magie du surclassement me voilà nanti d'un verre de champagne pour consoler ma déception. Y a pas à dire, c'est pas facile la vie parfois...
:-)