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1 septembre 2005

My Sweet Louisiana

C'est toujours différent quand on apprend qu'une catastrophe touche des lieux et des gens que l'on connaît. Question de proximité affective.

Ce matin, les infos sur le 1er bilan du cyclone ayant ravagé la Nouvelle Orléans et tout autour m'a d'abord remis en mémoire un vieux voyage à travers le Deep South : Georgie, Alabama, Floride, Louisiane...
Je me souviens de la lumière si spéciale de cette région, du mélange détonnant de la richesse de ce pays et de ses pires traditions rednecks, de rencontres et de ballades pleines d'enchantement et d'étonnement.Et de cette discussion avec un "indigèné", un soir, pendant une soirée beuverie-country western organisée dans une grange par quelques étudiants de "Niouw O'linsss".

C'est là que j'avais appris que New Orleans est construit dans une cuvette, face à la mer d'un côté, et bordé par le lac Ponchartrain d'un autre. Mon hôte m'avait ainsi expliqué que toute la région s'attendait un jour ou l'autre à être submergée par les eaux, comme les habitants de San Francisco attendent le "Big One", le tremblement de terre qui engloutira la ville toute entière.

C'est quelque chose qui est connu depuis la construction de la ville dans les années 1700 et quelques.
C'est la raison pour laquelle des digues ont été construites également pour la protéger.

Au XXème siècle l'exploitation pétrolière dans les marais tournait à plein régime, le sous-sol était gavé d'hydrocarbures. Donc les compagnies pétrolières US se sont bien gavées aussi. Moyennant quoi elles ont aussi largement contribué à bousiller l'immense mangrove qui borde les côtes et le delta du Mississipi, et dont l'effet régulateur sur les risques d'inondation (et bien d'autres choses) est important.
Une fois les gisements taris les compagnies pétrolières se sont tirées de là pour exploiter des gisements plus éloignés des côtes. Elles n'ont rien remis en état bien sûr hormis leurs marges bénéficiaires. Les digues construites -on le savait déjà- étaient considérées comme insuffisantes en cas de crue ou de cyclone. Voire même contre-productives puisqu'elles auraient retenu toute l'eau accumulée dans la cuvette ou est construite New Orleans.

Les travaux de réaménagement des digues et de remise en état des mangroves étaient si chers que l'Etat de la Louisiane ne pouvait se permettre de les payer. L'Etat Fédéral se faisant tirer l'oreille pour financer un programme important permettant que New Orleans ne soit pas submergé sous les eaux, c'est petit morceau par petit morceau que des travaux ont été entrepris.
Tout le monde là bas sait qu'un cyclone est dévastateur, mais tout le monde sait aussi que l'action de l'homme, le gout du pétrodollar et la négligence environnementale fera qu'il y sera encore plus dévastateur qu'ailleurs. Toutes les conditions ont été réunies pour cela.

Depuis, New Orleans attend qu'un cyclone plus important qu'un autre mette la ville sous l'eau, fasse des milliers de victimes et de sans abris, et qu'il faille des années et des milliards de dollars pour réparer ce qui est réparable.
Ca y est.

Heureusement, finalement G.W.Bush s'est décidé à intervenir une fois la catastrophe aboutie.
C'est pas comme si lui, et sa famille avait fait fortune dans l'exploitation pétrolifère, comme si sa politique de protection de l'environnement consistait à laisser faire en attendant une invention miracle, brevetable et vendable.

J'ai l'impression que je ne suis pas près de regoûter aux délicieux beignets du Café du Monde.

louisiane

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Commentaires
L
> Janu & Anne.<br /> On peut toujours se poser des questions mystiques sur le destin des choses et des êtres. On aurait tort de s'en passer d'ailleurs, au risque de s'installer dans un matérialisme désespérant à la longue.<br /> Mais dans ce cas précis : la noyade de New Orleans, les risques sont connus depuis longtemps, les causes aussi ainsi que les moyens d'y remédier également.<br /> Mais un simple enjeu cynique visant à comparer les investissements financiers nécessaires, au nombre et type de personnes exposées (des noirs et pauvres en majorité) a imposé sa décision.<br /> Il n'était pas question de savoir si -dans les conditions existantes- cette ville serait submergée en cas d'ouragan, mais de savoir quand.<br /> Et ce quand ne pouvait manquer d'arriver puisque cette région est souvent visitée par des ouragans de passage.
A
Janu, je pense paradoxalement que parce que la vie n'a pas de sens "mystique", c'est à nous de lui en donner un, en nous comportant en humains. <br /> <br /> Que le fait que nous ne sommes que "poussière d'étoile" ne doit pas être une excuse pour se conduire autrement qu'avec compassion, empathie et intelligence.<br /> <br /> C'est vrai, nous ne sommes rien face à la nature qui reprend ses droits, s'en arroge d'autres. Pas une raison pour dire que celui qui crève n'avait qu'à pas être là.<br /> <br /> Encore une ou deux bouteilles de rosé à ouvrir (ça tombe bien, je suis au bon endroit pour ça !)
L
> Vroumette.<br /> D'un côté, notre sentiment de supériorité (surtout dans les pays développés) est tel qu'aujourd'hui nous voudrions pouvoir tout maitriser, et trouver des responsables ou des moyens d'action à toutes choses.<br /> Des évènements comme ceux-ci nous prouvent le contraire.<br /> De l'autre, nous avons les moyens d'identifier et de prévenir de nombreux dangers (au moins partiellement). Nous ne le faisons pas, alors même que nous savons délibérement que nos comportements en aggravent les risques (c'est le cas pour New Orleans).<br /> A l'arrivée, tout dépend de qui paye les risques et leurs conséquences : riches/pauvres, blancs/noirs, hommes/femmes, légaux/illégaux, etc, etc...<br /> <br /> > Samantdi.<br /> En effet "une vie est une vie" dans l'absolu. Dans la réalité, tout est relatif : la vie d'Hervé Gaymard ne se passe pas dans les hôtels des laissés pour compte.<br /> C'est horrible à dire, mais on intègre les famines africaines, les moussons d'asie du sud est, et tous les malheurs récurrents des pauvres... parce que leurs situations n'évolue pas. C'est presque une forme de racisme.<br /> Enssuite, en effet, l'aspect commémoratif obligatoire, compassionnel médiatique en paraît d'autant plus obscène et odieux.<br /> Il ne reste plus qu'à nous sentir coupables en nous regardant dans la glace. Nous savons bien que personne n'aime la pitié, et que dans ce cas le chien finit par mordre la main de son maître.<br /> Simplement chacun demande à pouvoir assumer sa vie et malgré nos richesses et notre savoir immense et inégalé, ce désir élémentaire n'est réservé qu'à quelques privilégiés.<br /> <br /> > Janu.<br /> Je pense que parfois le dit "ordre des choses" nous sert surtout à justifier une mauvaise conscience (dans le meilleur des cas) ou le cynisme et l'égoïsme (dans le pire).<br /> Cf. commentaire pour Samantdi.<br /> <br /> > Fauvette.<br /> D'accord avec toi Fauvette.
F
Je suis d'accord avec Janu, il ne s'agit pas de pleurnicher sur commande médiatiques, mais de réagir sur nos modes de vie.
J
Je ne ferai que renchérir sur les propos d'Anne, c'est dans ces cas-là que voir les choses par le petit bout de la lorgnette, que la petite histoire personnelle justement dite, sont précieux. Cette note est très bienvenue.<br /> <br /> Samantdi> Il me semble que l'émotion en jeu provient du sentiment qu'il se joue là quelque chose d'un événement historique - la mousson, mise à part le fait qu'on s'en fout un peu trop des Indiens, peut être perçue comme une récurrence cosmique, comme étant dans l'ordre des choses. Et puis ce sont les Américains, c'est le déluge, l'identification ne me semble pas faire mystère. Evidemment la télé déverse des flots de merde très dommageables mais larmes mises à part l'événement est lourd de sens, avec cette question : vont-ils, allons-nous comprendre qu'il y a urgence à changer nos modes de vie, que le monde existe sans commune mesure avec nous? Que l'événement serve à quelque chose comme replacer l'homme, d'un pied sur l'autre, face au "cosmos".<br /> (Ca me rappelle quelque chose, qu'en penses-tu, Anne?...).
L a V i t a N u d a
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