My Sweet Louisiana
C'est toujours différent quand on apprend qu'une catastrophe touche des lieux et des gens que l'on connaît. Question de proximité affective.
Ce matin, les infos sur le 1er bilan du cyclone ayant ravagé la Nouvelle Orléans et tout autour m'a d'abord remis en mémoire un vieux voyage à travers le Deep South : Georgie, Alabama, Floride, Louisiane...
Je me souviens de la lumière si spéciale de cette région, du mélange détonnant de la richesse de ce pays et de ses pires traditions rednecks, de rencontres et de ballades pleines d'enchantement et d'étonnement.Et de cette discussion avec un "indigèné", un soir, pendant une soirée beuverie-country western organisée dans une grange par quelques étudiants de "Niouw O'linsss".
C'est là que j'avais appris que New Orleans est construit dans une cuvette, face à la mer d'un côté, et bordé par le lac Ponchartrain d'un autre. Mon hôte m'avait ainsi expliqué que toute la région s'attendait un jour ou l'autre à être submergée par les eaux, comme les habitants de San Francisco attendent le "Big One", le tremblement de terre qui engloutira la ville toute entière.
C'est quelque chose qui est connu depuis la construction de la ville dans les années 1700 et quelques.
C'est la raison pour laquelle des digues ont été construites également pour la protéger.
Au XXème siècle l'exploitation pétrolière dans les marais tournait à plein régime, le sous-sol était gavé d'hydrocarbures. Donc les compagnies pétrolières US se sont bien gavées aussi. Moyennant quoi elles ont aussi largement contribué à bousiller l'immense mangrove qui borde les côtes et le delta du Mississipi, et dont l'effet régulateur sur les risques d'inondation (et bien d'autres choses) est important.
Une fois les gisements taris les compagnies pétrolières se sont tirées de là pour exploiter des gisements plus éloignés des côtes. Elles n'ont rien remis en état bien sûr hormis leurs marges bénéficiaires. Les digues construites -on le savait déjà- étaient considérées comme insuffisantes en cas de crue ou de cyclone. Voire même contre-productives puisqu'elles auraient retenu toute l'eau accumulée dans la cuvette ou est construite New Orleans.
Les travaux de réaménagement des digues et de remise en état des mangroves étaient si chers que l'Etat de la Louisiane ne pouvait se permettre de les payer. L'Etat Fédéral se faisant tirer l'oreille pour financer un programme important permettant que New Orleans ne soit pas submergé sous les eaux, c'est petit morceau par petit morceau que des travaux ont été entrepris.
Tout le monde là bas sait qu'un cyclone est dévastateur, mais tout le monde sait aussi que l'action de l'homme, le gout du pétrodollar et la négligence environnementale fera qu'il y sera encore plus dévastateur qu'ailleurs. Toutes les conditions ont été réunies pour cela.
Depuis, New Orleans attend qu'un cyclone plus important qu'un autre mette la ville sous l'eau, fasse des milliers de victimes et de sans abris, et qu'il faille des années et des milliards de dollars pour réparer ce qui est réparable.
Ca y est.
Heureusement, finalement G.W.Bush s'est décidé à intervenir une fois la catastrophe aboutie.
C'est pas comme si lui, et sa famille avait fait fortune dans l'exploitation pétrolifère, comme si sa politique de protection de l'environnement consistait à laisser faire en attendant une invention miracle, brevetable et vendable.
J'ai l'impression que je ne suis pas près de regoûter aux délicieux beignets du Café du Monde.