Mémoire Fictive.
Je ne les ai pas revus depuis mes 10 ans.
Il y avait N qui nous emmenait à l'école dans sa 4 chevaux d'occasion, celle avec les portières qui s'ouvrent à l'envers. A l'époque les mères de famille devaient négocier longtemps avant d'avoir droit à une voiture. C'est les maris qui travaillaient qui avaient droit à la voiture. Et puis Mai 68 et les féministes sont passé par là. Et petit à petit les secondes voitures ont commencé à apparaître, à la suite des revendications des mamans et une prospérité permise par un taux de chômage de moins de 5%. C'est une chose qu'on oublie souvent (deux choses en fait). Mais moi non, c'était moi qui la poussais
Il y avait L, le mari de N. D'origine espagnole il avait également du sang gitan dans les veines. Et une fois il nous avait raconté - à nous les gamins - la légende de sa famille, et l'histoire des gitans. Ou l'inverse ! Mais les deux se confondaient. C'était une histoire incroyable. Il savait raconter des histoires N, celles ou il devient impossible de démêler le vrai du faux, et ou on s'en fiche du vrai du faux à la fin.
Il y avait A aussi. A était le responsable d'une usine de recyclage de vieux papiers. On y passait des fois après l'école, après la fermeture de l'usine, et on en profitait pour escalader les montagnes de papier déchiquetés et pour faire du toboggan géant dessus. Le seul truc c'était de pas s'approcher des machines même débranchées. Chaque année il y avait un ouvrier qui y laissait une main ou un bras, alors ça foutait les jetons. A part ça, A parlait peu, il avait été pilote dans l'armée de l'air, et il y avait cette photo de lui devant son T33, chez lui. Il avait gardé également un gros pistolet à fusée de détresse qui pesait des tonnes dans nos mains minuscules. A était gentil comme un gros nounours.
Il avait épousé ce qu'il est couramment convenu d'appeler une purge : S.
Aujourd'hui S serait probablement du genre à se faire siliconer la poitrine, biotoxer les lèvres, partir en vacances à Ibiza et trouver qu'au fond, dans
Je ne mentionne que ces quatre là, mais il en avait bien d'autres.
Mais ceux là, ma mère les a revus il y a peu de temps.
Ils se rappellent de moi également, tout gamin.
De l'année ou partis au ski tous ensemble, j'allais manger une première fois avec les gosses et une deuxième fois au buffet des parents.
Voilà, c'est ce dont ils se rappellent de moi.
Crétins ! :-)
Agence Magnum / Martin Parr / Our House