J'ai vu deux fois le plus mauvais film du monde.
Il y a des choses dont on ne se vante pas !
Mais pour éviter que ce blog ne tombe dans un sérieux Jospinien qui rigole que quand il se brûle, ma fois, il n’est pas inutile que je raconte comment j’ai vu deux fois le plus mauvais film du monde.
Je crois avoir déjà raconté comment j’allais voir pleins de concerts gratos, grâce à mon père qui travaillait pour une société de disques. Ce qui me permettait de voir pleins de groupes pas connus, auxquels j’avais du mal à traîner mes amis pas curieux. Et comment je jouais au père Noël en distribuant gratuitement des tickets à ceux qui n’en avaient pas, et poireautaient à l’entrée du concert.
Mais cette fois-ci, il s’agissait d’un film.
Tout content, mon père avait ramené des entrées de cinéma pour aller voir CE groupe et me les avait tendues d’un air de celui qui offre un cadeau d’une valeur inestimable à son fils. En dehors du fait q’il s’agissait pour lui d’éviter à y aller, il était surtout incapable de concevoir que nos goûts musicaux étaient aux antipodes. En tout cas, qu’un cadeau n’annule pas tout refus chez moi d’une certaine fidélité aux dits goûts. Et quand on est ado, nos goûts musicaux on y tient contre vents et marées. C’est une question d’honneur.
Aussi quand j’avais découvert le nom du film sur les tickets, passé ce premier moment de stupeur (« mais comment peut il penser à moi pour aller voir CA ! »), j’avais osé remettre en question son sens musical et sa générosité parfois un peu calculé. Hélas… Je ne fis que déclencher une crise paternelle mêlant acte autoritaire et désaveu de mes orientations musicales de l’époque. Un psychodrame s’ensuivit, comme certaines familles savent en fabriquer. Et je n’eu que comme seul compromis possible que d’y aller avec lui. Sans doute avait il l’intention de me prouver à quel point j’étais dans l’erreur par rapport à l’appréciation toute faite de ce chef d’œuvre du 7ème art, qu’il avait lui-même vu en projection privée au préalable.
Peut être faut il que je précise qu’en pleine période post-punk, j’aimais la musique qui jouait fort, ou avec des morceaux de bruits bizarres dedans (selon la critique familiale). Tandis que mon père lui, a toujours aimé la musique qu’il décrit comme « c’est bien fait ». Il faut comprendre par ce « c’est bien fait » n’importe quelle musique ou le chanteur chante juste (même des trucs sans intérêt), et ou la production immaculée garantit une écoute digne d’un standard hi-fi-pro-logic-dolby-machin-chose sans rapport obligé avec le talent des compositeurs.
Bref, un gouffre esthético-musical nous séparait, voire nous opposait régulièrement (et même encore aujourd’hui).
Hélas, je ne pouvais pas échapper à la vision de ce film et à ses espoirs de me voir regagner au passage le chemin du bon goût qu’il défendait.
C’est comme ça que je me suis retrouvé à… (kof, kof…), assis au cinéma pour regarder (gnîîîîî…)… ce monument passé à la postérité qu’est : Can’t Stop The Music, le film des Village People.
Ce fut une heure et demie consternante.
Non seulement ce film était d’une nullité absolue, une sorte de comédie kitschissime qu’à côté de ça Michou ou Queer passerait pour des Benoit XVI ou des Moudjahiddin du peuple.
Non seulement, la galaxie disco, et surtout celle des Village People était à l’opposé de mes goûts et convictions musicales.
Non seulement ce film sortait sur les écrans, dans la fin de la queue (hum !) de la comète disco, et était avant sa sortie vouée à un rapide statut has been, voire même de never been.
Non seulement on m’a infligé ce spectacle gay pride (bien avant l’heure il faut le reconnaître) d’un indien, un motard, un conducteur de travaux, un motard moustachu en cuir… exhibant leurs fesses huilées au milieu d’éphèbes sélectionnés dans un catalogue La Redoute Pour Nous Les Zoms, dans des scènes gentiment homoérotiques à double sens (re-hum) et totalement ineptes.
Mais en plus… mon père trouvait ça « vachement bien fait »…
… J’avoue… J’ai eu des doutes quand à ce que finalement, en la matière (re-re-hum), il définissait comme « vachement bien fait ».
Le retour à la maison se fit dans un quasi mutisme total. Ses questions « alors, t’as pas trouvé ça bien fait ? » n’attirant qu’un grognement incompréhensible signifiant : « pitié, ça suffit ».
Je me mis à refouler tout à fait consciemment cet épisode grotesque de ma vie dans les poubelles de ma propre histoire, espérant que personne n’en entende jamais parler : ni amis, ni ennemis, ni famille… personne j’vous dis !
Hélas, c’était sans compter avec un coup du sort.
Quelques semaines plus tard j’étais en retard pour rentrer chez moi alors que m’attendait un vague camarade à qui j’avais promis de filer mes notes pour son exposé. Vraiment très vague le camarade, plutôt une connaissance quoi.
Mais mon père était déjà à la maison. Aller savoir comment, ils parlèrent ensemble et l’autre lui fit part de son goût pour la musique disco (définitivement pas un pote). Et voilà mon père qui au moment ou j’arrive, est tout fier de m’annoncer qu’il a offert 1 pass à… à l’aut’ là… pour aller voir Can’t Stop The Music, le film des Village People qui a fait 10 entrées (dont 3 payantes) en 3 mois. Mais qu’il faut que je l’accompagne car l’entrée ne peut se faire qu’avec l’autre pass nominatif. Il faut donc que je m’y colle, car c’est mon pote (rhâââââ !) qui veut voir ce film tellement « bien fait ».
Croyez le si vous voulez, mais devant la tête de ravi de la crèche de l’autre naze, j’ai pas eu le cœur à refuser.
Et c’est comme ça que je suis allé m’enquiller (re-re-re-re-hum) Can’t Stop The Music une seconde fois.
Pourquoi je vous raconte tout ça. Ben parce que je viens de lire une critique de ce film, et le gars ne trouve dans ce King Of Navets qu’une seule chose à sauver : le côté joyeux, insouciant et totalement degré zéro qui allait disparaître quelques mois plus tard avec le début des tristes années Sida.
Et pourquoi une critique ? Ben parce que cette « chose » ressort en DVD : voir ici
Je vais peut être l’acheter à mon père, pour voir si il trouve toujours ça « bien fait » !
La vengeance est un plat qui se mange froid, même très longtemps après.