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8 septembre 2005

Faudrait Pas Croire Que...

Faudrait pas croire que je ne fais que lire le journal dans le train qui, au moins deux fois par jour, m’emmène et me ramène vers mes occupations quotidiennes.

Parfois je le pose sur mes genoux et je reste un long moment à contempler mes voisins voyageurs. Je ne suis pas de ceux qui se concentrent –quoi qu’il arrive- sur leur lecture. Ou sur celles (de plus en plus rares) qui sont en train de tricoter, ou tous ceux qui fixent la vitre mais pas ce qui se déroule derrière celle-ci… ceux qui se sentent agressés par le monde du matin qui piétine sans vergogne leur vie qui s’éveille. Ceux qui se roulent en boule à l’intérieur d’eux-mêmes comme pour retrouver la couette dont ils sont sortis trop tôt. Ca m’arrive aussi, mais c’est rare.

Donc, je disais que quand je pose mon journal, j’aime bien contempler mes voisins voyageurs.

C’est cette femme hier soir qui m’en a fait prendre conscience plus que d’ordinaire. Elle s’est assise en face de moi. Pas très grande, menue, presque maigre en fait. Environ la cinquantaine, les cheveux courts et un peu bouclés. Châtains foncés les cheveux. De grandes cernes sous les yeux, des lèvres fines sur une bouche maintenue serrée. J’ai cru à un moment qu’elle allait pleurer, mais non. Impossible de savoir si elle vivait un moment difficile, ou si l’accumulation de ces moments l’avait transformé au point qu’elle n’était plus que ça : de la tristesse. J’aurai pu lui demander si ça allait, mais elle n’a pas pleuré alors je n’ai pas osé. Elle se contenait peut-être. Alors j’ai fais pareil.

Au fond j’ai de la chance de prendre le train.

Tous mes compagnons de voyage je les contemple, quelques secondes ou quelques minutes. Je ne sais rien d’eux, mais en les regardant j’essaie d’imaginer leurs vies. Celle-ci vient de déposer les enfants à l’école, elle court au boulot et envoie un sms à son mari. Celui là, avec sa serviette et ses bouquins doit être un prof de fac. Les quatre Africaines en boubou, volubiles et sonores rentrent sans doute chez elles après avoir travaillé de nuit. Ce monsieur est sans travail depuis longtemps, et sans doute il boit trop. Ces deux là sont amoureux (ça, ça se voit tout de suite), etc, etc…

Si par nécessité ou par préférence je roulais en voiture, je ne verrais rien de tout cela. Avoir sa voiture c’est déjà revenir dans son univers à soi. Un espace clos, étanche. On est déjà presque chez soi. On écoute sa radio, sa musique. En plus « c’est nous qui conduit ». On reprend le pouvoir.
On n’est pas obligé, comme dans les transports en commun, de faire des concessions supplémentaires à la vie en société, alors qu’on sort d’en prendre justement ! De la vie en société par actions, avec taux de rentabilité, taux d’employabilité et taux de débilité assez souvent bloqués au maximum.

Mais dans ce voyage en train, c’est le moment où je croise quelques aiguillages de ma vie dans la vie des autres, et le chemin que je leur imagine. Je ne suis pas dans la précarité de ceux qui de plus en plus nombreux paraissent errer plus que se déplacer dans ces trains. Je ne suis pas dans la détresse de cette femme assise face à moi hier soir. Je ne suis pas dans les chemins de vies de tous ces voyageurs que je remarque, pas vraiment dans leurs rails à eux.

Mais je n’ai pas de voiture. C’est que j’ai fais d’autres choix, j’ai vécu d’autres choses aussi qui font que je ne suis pas vraiment dans les clous de la soi-disant vie normale. Je n’aimerai mieux pas d’ailleurs. Je ne suis propriétaire de rien, je ne suis pas marié, je n’ai pas d’enfants, je n’ambitionne pas d’être un peu moins sous-chef de quelque chose… je ne rêve pas d’avoir un 4x4, ni un écran plat, ni une résidence secondaire, ni de passer des vacances dans un hôtel de luxe. Alors pas besoin de voiture non plus. Logique.

Ca ne fait pas de moi quelqu’un de différent, de meilleur ou de pire que les autres.

Juste quelqu’un qui croise dans le regard, l’attitude et la posture de tous ces voyageurs des bribes de sa propre histoire vécue, rêvée ; passée, à venir ; heureuse, terrifiante… d’une vie qui hésite entre y croire et parfois pas.

wagon

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Commentaires
L
> Luciole.<br /> Oui c'est vrai.<br /> Les écrivains, les chanteurs... trouvent souvent de l'inspiration dans les aéroports, les halls de gare... pour toutes les petites histoires qui s'y déroulent en instantané.
L
Il n'y a pas longtemps j'ai eu à attendre quelqu'un dans un aéroport, son avion avait du retard, alors j'ai vu plein de gens arriver... J'ai passé un moment de pur bonheur... Il y a cette allée d'honneur que les gens forment devant la porte, et puis ceux qui débarquent, les préssés qui montrent bien qu'ils ne sont pas attendus, ceux qui cherchent, ceux qui errent, une maman qui retrouve son petit garçon, des amoureux qui n'arrivent pas à croire qu'ils sont ensembles...ect... C'est une grande source d'inspiration...
L
> Anne.<br /> Oui bien sûr, je ne doute pas de la richesse de la vie en automobile (au prix du litre de sans plomb faut bien quelques compensations !). je voulais juste dire que dans son véhicule, on est déjà dans sa sphère privée. Un peu plus que dans un train de banlieue.<br /> C'est aussi parce que c'est un lieu public qu'on voit tant de choses dans un train, et sans doute qu'on ose pas intervenir parfois.<br /> La question de la norme et de l'humanité... c'est pas toujours très évident. A quel moment se manifeste t'elle ? Est ce que tout le monde en est capable ? Qu'est ce qui fait que certains n'en veulent pas ?<br /> <br /> C'est très gentil, mais si tout le monde était comme moi... Mon dieu ! Argh !<br /> Non finalement il faut de tout pour faire et défaire le monde.<br /> Tu peux te sauver !<br /> :-)<br /> Avec des bises en retour.<br /> <br /> > Fauvette.<br /> Heureusement, on trouve tout cela ailleurs aussi.<br /> Mais c'est vrai qu'il faut avoir envie de ressentir. Peut être c'est quelque chose qui paraît à beaucoup aujourd'hui inutile, presque indécent. Parce que insupportable ?<br /> <br /> > Barnabé.<br /> Je te confirme que rien n'a changé côté ambiance d'étuve et parfums d'aisselles avec cette douce chaleur estivale.<br /> C'est vrai aussi qu'il y a tout un spectacle dans la circulation. Peut être un peu différent parce que sans doute on perçoit moins le fait d'être quand même un peu en public.<br /> On a plus l'impression de regarder ce que fait le voisin depuis sa fenêtre.<br /> <br /> C'est donc toi "le gars de la narine" (j'ai honte, je sors).<br /> <br /> > Swahili.<br /> Oui, je crois que tout ceux qui font un peu la même chose que moi s'en aperçoivent quand ils se rencontrent. Il y a un moment de complicité. Comme le dit Anne, si cela devient quotidien, ça peu même être un moment de partage parfois.<br /> Une sorte de blog sur rail ??<br /> <br /> > Samantdi.<br /> Je suis sûr que quand tu prends le métro ou le bus à Toulouse, tu fais la même chose que moi !<br /> "Sans propriétés remarquables" ??? Tu plaisantes ?<br /> Serrage dans les bras et bises réciproques.<br /> <br /> > Catz.<br /> C'est vrai qu'il peut s'y passer tant de choses.<br /> C'est étrange non ce lieu de monotonie et de morosité ou tout d'un coup on peut vivre ou être le témoin d'un moment intense et incroyable ?
C
Quand je prenais le bus, bondé, sûrement pour ne pas pêter un plomb je lisais. Qu'est-ce que j'ai pu lire comme livres dans les bus!! -en plus ça permet de s'exercer à l'équilibre sportif, et on fait aussi des rencontres marquantes, quand on tombe sur son voisin(e) par exemple ou quand il (elle) s'écroule sur vous avec son sac.<br /> Dans le métro, la deuxième différence, à part le volant, c'est que là je ne lisais jamais. Moi aussi je regardais mes voisins, avec sourire et pudeur. C'est là qu'un jour, en face de moi j'ai vu une jeune femme glisser sa main sur la main de l'inconnu à coté d'elle, fort surpris mais finalement il devait être assez heureux, il a vite caché son émotion et n'a rien dit…
S
Quand je lis ce billet, j'ai envie de te serrer dans mes bras. Swahili se demande si les gens voient ton humanité, je pense que oui, elle se voit !<br /> <br /> Un grand sourire d'une fille sans propriétés remarquables elle non plus, mais cependant munie d'une voiture (et donc sarkozettisable)
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