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15 décembre 2004

Le diable au corps.

Pour terminer cette trilogie sous-vêtements-esques, un souvenir...

O m'appelle à la maison, il a besoin que je lui rende un service mais ne veut pas m'en dire plus au téléphone. Nous nous retrouvons à notre café habituel. Celui qui nous accueille bien au chaud quand nous décidons de sécher les pénibles cours de géo de Mme Dubroc, ou l'énième tournoi de hand de Mr Wurtz.

Je retrouve O. déjà attablé derrière le café chaud que nos raclements de fonds de poche nous permettent de payer. Assez intrigué, un peu inquiet (c'est pas le genre de O. de demander de l'aide) et surtout impatient, j'y vais de mon "B'alors, qu'est ce qui se passe !?".
O. les yeux brillants, m'explique que "A y est !", il l'a fait. L'heureux homme... Quand j'en suis encore à élaborer des stratégies aussi subtiles que foireuses, O. vient de franchir le grand saut du lit, en mettant (comem dit Desproges) sa zigounette dans un pilou-pilou. Bien sûr, je pense à C., sa copine depuis quelques mois, mais il se montre évasif sur le sujet. Impossible d'en savoir plus.
Et le voilà qui en arrive à ce qu'il a à me demander.
- "Ecoutes, c'est bientôt Noël. Et je voudrais bien lui faire un cadeau... (raclements de gorge). En fait j'aimerai bien... euh... Lui offrir, enfin tu vois quoi... (air évasif)".
- "Ben, non j'vois pas très bien, non...".
- (crachant le morceau en même temps qu'une quinte de toux) "Ben, en fait je voudrais lui acheter... Lui acheter... De la lingerie (dans un souffle -satiné le souflle-). Et, je voudrais que tu m'accompagnes... (air consterné)".
- (tronche hilare) "Ahhhh boooonnn !", (comprenant le sens de la demande) "... Euh, t'es sûr là !? T'as besoin de moi, vraiment...", (rigolifié) "Dis t'as pas pensé à moi pour les essayages quand même !".
- (nous deux) "Ah Ah Ah...".

Bref, O. plus timide qu'il ne le paraît, n'ose pas aller dans un magasin de lingerie seul pour acheter de la soie à sa conquête. Il lui faut une présence rassurante et masculine. La mienne. Pourquoi moi, je me le demande encore aujourd'hui ?
Mais je ne voudrais manquer ça pour rien au monde, alors je dis oui, dans l'élan de celui qui s'apprête à faire une bêtise, à transgresser les bonnes manières, à péter à la figure du quand diras t'on.
On décide d'y aller le lendemain. Le choix se porte sur un magasin local de notre banlieue. Ou plutôt la banlieue d'à côté, histoire de ne pas risquer de rencontre embarassantes genre la concierge de l'immeuble, ou avec Nath' qui aime tant mes jeans... (Cf notes d'hier et avant hier).

Nous voilà partis tous les deux.
Le magasin est rapidement en vue, et notre allure assurée et légèrement paillarde se mue en une démarche assez hésitante.
Sur ce petit trottoir de rue piétonne on passe et repasse plusieurs fois de suite, pour essayer de distinguer s'il y a du monde à l'intérieur. Impossible. Ce genre de magasin, c'est forcément ambiance cocooning, pas question d'avoir une vue dégagée sur ce qui se passe à l'intérieur.
Y a pas d'autres solutions.
Il faut entrer.
Alors on entre.

Ding, fait la clochette ridicule qui signale instantanément notre entrée au personnel et aux clientes de la boutique.
Nous inaugurons le teint le plus léger du rouge qui va orner notre figure pendant notre passage ici.
Il y a deux vendeuses, plutôt jeunes, mais forcément plus vieilles que nos 17 ans respectifs. La patronne est derrière la caisse, elles sont toujours derrière la caisse.
Etant donné que nos regards sont dirigés plutôt vers nos pieds, nous entendons seulement qu'il y a quelques autres présences féminines dans le magasin. Dont une parle
avec la patronne, blondassée, permanentéé, manucurée et esthéticiènnée.
O. légèrement pétrifié se tourne vers moi : "Et maintenant qu'est ce qu'on fait ?!" me chuchote t'il.
Comme si je le savais ! Comme si j'allais traîner dans les magasins de lingerie tous les week end !!!
Je lui dis "je crois qu'on devrait peut être regarder ce qu'il y a".

Dans un immense effort sur nous même, nous élevons les regards pour mieux évaluer la situation.
Des portants pleins de frous frous, des rangées d'étagères avec des boites, et environ 6 paires d'yeux de clientes en train de nous dévisager. Un ton de plus dans le rouge aux joues.
Mais pas question de reculer et de s'enfuir précipitemment du magasin, vaincre ou périr, voilà la seule alternative qui nous reste.

Il y a là deux copines en plein shopping qui nous dévisagent avec un sourire aussi insistant que moqueur.
Il y a une mère de famille et sa fille qui a l'air outrée de nous voir là.
Un peu plus loin, une cliente nous tourne le dos, absorbée par l'examen précis et professionnel d'un soutien gorge.
Les autres clientes sont en discussion avec les vendeuses, et alternent comparaisons entre divers bouts de textiles affriolants et regards vers les deux intrus.
C'est comme si on étaient deux barbares en train de découvrir le temple raffiné de quelques vestales. Deux ostrogoths parachutés dans un harem. Y a pas à dire, on se sent vachement à l'aise. L'option rouge carmin fait son apparition sur nos faces d'inadaptés sociaux. Je me dis in petto (en dedans moi, car pas question de prouter dans ce genre d'établissement) : "Mais qu'est ce qu'on fout là ?".
En tout cas, impossible de partir à l'abordage des portants couverts de sous-vêtements. La paralysie nous gagne. Aussi nous entamons de curieux mouvements sur nous même, qui consistent à montrer qu'on se déplace dans le magasin, mais sans bouger.

Heureusement, une des 2 vendeuses s'est libérée et vient à notre secours avant que nous soyons consumés totalement par auto-combustion.
- "Est ce que je peux vous aider messieurs ?"
Elle est charmante, elle vient de nous sauver la vie. Reste plus qu'à retrouver l'usage de nos cordes vocales.
- "Euh oui -dis-je- mon ami, ici présent (n'importe quoi pour dérider l'atmosphère), voudrait offrir de la lingerie."
La vendeuse est rassurée, notre présence est d'ordre commercial, elle va pouvoir s'en tenir à un discours professionnel. Elle a l'air amusée maintenant, et fait de son mieux pour nous mettre à notre aise.
- "Mais bien sûr, c'est une bonne idée ! Est ce que vous savez ce que vous voulez offrir monsieur ?".
- "................."
Un léger coup de coude pour sortir O. de sa paralysie et reconnecter la voix et le cerveau.
- "Monsieur ?"
- "Euh, oui. C'est pour un cadeau de Noël !"
- "C'est très gentil monsieur, mais savez vous quel genre de lingerie vous voulez lui offrir ?"
- "Quel genre ?.................................."
- "Hum (toussement apaisant de la vendeuse), je vois. Le mieux c'est que je vous montre différents modèles, comme ça vous pourrez choisir".

Soulagement collectif, cette idée géniale de la vendeuse achève de nous sortir de notre torpeur. Notre température corporelle redescend de 1 ou 2 degrés, nous repassons du vermillon au rouge carmin.
Nous n'aurons pas à explorer les portants, nous n'aurons même pas à toucher ces objets diaboliques, cette adorable vendeuse va le faire pour nous. D'ailleurs la revoilà chargée de paquets par milliers, telle une mère Noël de la lingerie.
Je vous épargne le détail des déballages successifs.
Petit à petit O. reprend de l'aplomb et entreprend d'indiquer à la vendeuse ses goûts en matière de lingerie. Et il se trouve qu'on a pas du tout les mêmes. Il aime la soie et la dentelle à la tonne, le frou-froutant en veux tu en voilà, les couleurs jaune champagne, rose loukoum ou vert pâte d'amande. Son truc (en plume) s'il fallait le résumer, ce serait une sorte de Sissi Impératrice classé X.
De temps en temps il se tourne vers moi : "Qu'est ce que t'en penses ?" me dit-il.

Dans mon dos, j'entend les fous rires enjoués des 2 copines qui sont allées se réfugier dans les cabines d'essayage pour rire de nous, sans nous gêner. La mère de famille est repartie de ce lieu de perdition en emmenant sa gamine, arborant un regard bovin face à notre présence dans ce magasin. Les autres clientes nous surveillent d'un oeil mi-amusé, mi-sévère. La patronne est derrière sa caisse, c'est pas possible, les vendeuses doivent l'y visser chaque matin.
Je finis par répondre :
"Euh, écoutes, moi, je préfère celui-là, mais c'est toi qui offre alors...".

O. finit par se mettre d'accord avec lui-même sur le modèle.
La vendeuse ne peut cacher un soulagement plus que certain.
- "Très bien. Maintenant, nous allons choisir la taille. Quelle taille fait cette jeune personne ?" demande t'elle.
- "............................"
C'est pas vrai ! Je parie qu'il n'a même pas pensé à ça !
Bien sûr, puisque c'est sa mère qui lui achète ses sous-vêtements, à lui, qu'il porte des slips kangourous avec des motifs à petits oursons (Cf notes précedentes, bah oui hein !). Il n'imagine même pas qu'il y a des tailles.
- "O. tu connais pas sa taille ?" j'ajoute légèrement énervé.
Se rendant compte de la mouise dans laquelle il s'est planté, O. tente de réagir par une réplique définitive, qui aujourd'hui encore reste dans nos mémoires respectives.
- "Euh si, si... Je sais." Et regardant la jeune vendeuse droit dans les yeux : "Euh... Comme vous." assène t'il d'un ton définitif, tout en tendant les 2 mains vers la vendeuse comme s'il allait essayer d'évaluer au toucher l'importance de sa poitrine comparée aux souvenirs érotiques de sa fiancée.
Un Pfffffffffffffrrrrrrrrrrrrr général de rire contenu fuse dans tout le magasin.
O., moi et la vendeuse passons directement au rouge écarlate, prêts à exploser.

- "Hum, euh, oui Monsieur. Ecoutez, voici ce que nous allons faire. Je vais vous donner la taille qui me correspond. Et si jamais cela ne convient pas, votre amie pourra venir le changer sans aucun problème".
Cette vendeuse a du génie.
Non seulement elle est vraiment adorable, mais en plus elle nous sort de toutes les calamités dans lesquelles on se précipite. Et en plus, je vais connaître sa taille de soutien gorge et de culotte. O. et moi, nous sommes sauvés.
La vendeuse nous fait un petit paquet cadeau.
Nous nous dirigeons vers le cerbère qui tient la caisse. Sa mine de mère maquerelle se déride d'un léger sourire devant l'air soulagé que nous arborons enfin. La mine de O. elle, s'allonge, au même rythme que le nombre de billets qu'il doit allonger pour son modeste présent. Ouch ! Vraiment douée cette vendeuse.

Je crois que le cadeau a plus. O. avait le compas dans l'oeil car c'était la bonne taille. Il a fallu des mois pour que je sache qui était la fiancée de O. Ce n'était pas C. comme je le pensais. Plus tard, il m'a avoué que c'était en fait la mère de C. Qu'ils avaient été très heureux ensemble, jusqu'au jour ou le mari les a surpris tous les deux dans son lit conjugal à lui.
Ca a été la fin de cette histoire pour O. Il en a gardé un goût affirmé pour les aventures amoureuses tumultueuses, incroyables et vaudevillesques à souhait.
Je n'ai jamais revu cette charmante vendeuse.

Note sur une idée de Tillie.
Image sur une idée de Gilda.

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Commentaires
B
Oh merci de la pause !<br /> Merci beaucoup !
L
Merci !<br /> Du coup je l'ai relue.<br /> Dans le "je comprend mieux pourquoi", je veux dire que je comprend aussi mieux pourquoi la mère de C. pouvait être aussi attirante pour quelqu'un comme O.<br /> Et aussi pourquoi C. était -quoique très jolie- moins "pimpante" que sa maman. Même sans savoir (elle n'a rien su de cette histoire), il y a de quoi être imprégné par toute une ambiance familiale. Ca a pu lui donner cette note un peu triste qui la caractérisait.
L
> Buch.<br /> J'ai répondu à Tillie un peu plus haut.<br /> Ce qui était très drôle, c'est le ton avec il a affirmé son "Comme vous", tout en avançant presque malgré lui ses 2 mains, et de voir les grands yeux pleins de surprise de la charmante et extrèmement patiente vendeuse.<br /> Quand je revois O. on ne peut pas évoquer cet épisode sans éclater de rire.<br />
J
j'aime beaucoup ta réponse...
L
> Samantdi.<br /> Sorcière Stringolatre ??? Certains inuits ont de la chance !!!<br /> :-))<br /> <br /> > Pilar.<br /> Je partage l'idée de Barnabé comme quoi les mains des hommes dont des soutiens gorges naturels et parfaitement adaptés.<br /> Bon, pour la vie quotidienne, c'est pas toujours évident mais...
L a V i t a N u d a
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