Tonton Pourquoi Tu Tousses ?
Pourquoi pleins de gens se mettent ils à tousser pendant n’importe quel spectacle, dès qu'il y a un moment à « sonorité réduite » ?
Est-ce la recrudescence incongrue et localisée de la grippe aviaire ? Est ce parce qu’il y a trop de vieux, trop de fumeurs de Gitanes maïs, trop de tuberculeux ? C’est quelque chose qui m’a toujours étonné !
Et évidemment, ça m’a étonné hier, puisqu’il y a eu de longs moments ou le pianiste ne jouait pas trop fort, d’autres moments ou le rideau se baissait quelques instants pour séparer deux passages d’une même pièce.
« Teheu, Teuheu… Rhâaa Theuheu », d’un coin à l’autre, au hasard du microbe tousseur, retentissait ainsi les toux des spectateurs.
Je n’osais pas croire que c’était réellement un attenta viral de la part de Mahométans ultra-intégristes ! Tout simplement : Allah ne le permettrait pas.
(J’espère qu’on a encore le droit d’écrire leurs noms ! Ca va devenir compliqué si il faut aussi prévoir d’interdire certaines lettres de l’alphabet ! Give me a M, give me a O…. Yes we got Mohamed !).
Je n’osais pas croire non plus que c’était là le fait de gens si imbus d’eux même qu’il faille qu’ils se fassent remarquer dans le noir, afin qu’on n’oublie pas leur haute lignée. Prout, on est quand même à l’Opéra ma chère, et ces gens là savent se tenir ! Quoique, si vous saviez parfois !
C’est justement avec le noir que l’explication me vint. Si radicale que je l’exposais illico à ma voisine de droite qui, je le voyais, rejouais dans sa tête le sketche de Fernand Raynaud : Tonton, pourquoi tu tousses ?
Les tousseurs de salle de spectacle ont encore peur du noir !
Tout petits – et comme beaucoup – une fois tout seuls dans leurs petites chambrettes, si jamais par erreur la porte était refermée sans laisser ce petit rai de lumière rassurante, les tousseurs paniquaient ! Lentement, leur imagination faisait sortir des monstres de dessous de lit, des créatures bizarres les forçait à manger des kilos d’épinards… que des trucs affreux. Si affreux qu’avant qu’une demi-heure soit passée, des pleurs et des appels « môman, môman » faisait venir maman en effet, afin de remédier à cette insupportable obscurité, et la menaçante solitude qui l’accompagne.
Et voilà les mêmes des années plus tard.
Ils vont à l’Opéra, le noir se fait… De nouveau les voilà seuls, dans un lieu inconnu qui en tout cas n’a rien de rassurant comme une chambre : pas de veilleuse, pas de nin-nin ni de doudou protecteur, pas question d’enlacer sa femme comme ça dans ce genre d’endroit pour se rassurer… Et en plus un spectacle qu'on est même pas sûr de comprendre et d'appécier !
L'angoisse totale !
Et ils ont toujours peur du noir !
Alors la tension monte !
En même temps, ils ont mis leurs beaux vêtements, ils sont dans un haut lieu de la culture académique, ils ont claqué une petite somme pour être là… Ils font partie du monde, du vrai, celui qui a de la valeur par rapport à beaucoup d’autres ! Enfin c’est ce qu’ils pensent.
Mais ça ne les rassure pas du tout ! Au contraire !
« Je vais ressembler à un putain de looser si je montre que depuis ma plus petite enfance, j’ai peur du noir ». Tant d’effort pour en arriver là, et craquer sur la ligne d’arrivée de la culture parce que j’ai peur, tout seul, au milieu de toutes ces silhouettes inconnues, noires, immobles, menaçantes elles aussi !
« Au secours ! Sauvez-moi ! Me laissez pas seul ici ! Venez me chercher dès que c’est fini ! Help ! Ayuto ! SOS ! ».
Mais comment faire comprendre ça dans un théâtre, en plein spectacle, tout en évitant l’arrivée de la camisole et le séjour gratuit (mais encore plus inquiétant) à Sainte Anne pour une nuit !
Et là le miracle se réalise (et Mahomet ou Moïse n’y sont pour rien).
Un « teheu, teheu » s’échappe du parterre… Discrètement.
Un autre lui répond du 2ème balcon.
Puis un troisième, un peu moins discret d’une des baignoires côté jardin.
Et ainsi de suite !
Voilà notre tousseur rassuré.
Et en plus il se découvre des copains, la-haut, et au fond derrière, juste devant lui…
Sauvé !
Il survivra à l’inquiétante étrangeté de cette soirée.
A part ça !?
Le spectacle ?
Eblouissant et Vertigineux !
(des détails ici : avec pour une fois, une critique valable dans les pages Culture de Libération)
The Vertiginous Thrill Of Exactitude / William Forsythe.
Photo copyright John Ross.