Comité Des Tocs
Cet article a occupé un quart de page dans le Libération de ce week end et je suis très étonné qu’il n’ait pas été repris dans d’autres médias et ne fasse pas l’objet d’une diffusion plus importante.
Je vous le résume vite fait : l’institut national de la santé aux USA a autorisé, dans les années 80 et 90, l’expérimentation de médicaments anti sida sur des orphelins séropositifs. Une grande partie de ces gamins étaient issus de milieux défavorisés. Une partie des enfants sont morts suite à ces expérimentations, d’autres ont subi des effets secondaires.
En l’absence des parents, les risques encourus par ces traitements expérimentaux n’ont pas été présentés aux enfants, ou à leurs tuteurs ou un « protecteur » indépendant tel que le stipule les règles du NIH (National Health Institute). Leur consentement a été « rarement recherché » signale le communiqué.
Voilà l’histoire.
J’en profite pour rappeler au passage que c’est en 1989, que les pays membres de l’ONU ont ratifié la Convention Relative Aux Droits de l’Enfant. Donc au beau milieu de ces expérimentations illégales.
2. Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.
3. Les Etats parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l'existence d'un contrôle approprié.
On a aussi vu ces dernières années, se multiplier les comités d’éthique en rapport avec les domaines scientifiques les plus divers. Reconnaître le besoin de comités d’éthique, c’est par voie de conséquence reconnaître qu’il y a besoin d’établir des règles dans des domaines ou les progrès scientifiques touchent à la nature même de la vie, de sa conception, de sa modification. Mais aussi qu’il y a donc un risque à laisser les seuls scientifiques décider de ce qui est bon ou pas en matière de recherche.
C'est donc pour mettre des barrières aux seuls intérêts des communautés scientifiques, aux intérêts commerciaux de ceux qui les financent, et aux intérêts d’états dans le développement, la maîtrise et l’exclusivité de connaissances dont la nature touche à la vie elle-même que ces comités agissent.
Ni cette convention des droits de l’enfant, ni tous les comités d’éthique du monde n’ont été capables de prévenir le comportement du NIH aux Etats-Unis, et de l’empêcher d’agir.
Peu importe que ces enfants séropositifs aient été sans doute promis à une mort certaine. Cela n’autorise en aucun cas une institution qu’elle quelle soit à s’arroger des droits et des consentements sur la personne d’autres êtres humains.
On sait à quel point une partie de la population aux USA entend défendre un droit d’ingérence dans les choix individuels relatifs à la vie. Il y a des menaces sur les femmes ayant recours à un avortement et sur leurs médecins. On a même vu un président américain tenter de faire passer une loi pour interdire à un mari un droit autorisé par la justice pour mettre fin aux jours de coma de sa femme…
Je ne sais pas ce que les « Pro Life » pensent de cette triste histoire, mais je sais qu’on n’a pas encore beaucoup entendu Bush monter au créneau pour exiger des explications de la part du NIH, et des médecins qui ont administré ces traitements expérimentaux à des orphelins. Silence radio.
De manière plus générale, il faut s’inquiéter de cette indifférence dans les médias Français (ou ailleurs). Pourquoi ? Parce que ce n’est pas chez nous ?
Mais -par exemple- la faillite des services sociaux démontrés dans les procès actuels sur les comportements pervers et pédophiles ne renvoient ils pas aussi à de graves manquements et inadaptations de nos institutions ?
Enfin, comment ne pas englober tout cela dans un changement de perception global par rapport au corps et à la vie ?
Quand on défend le culte de la performance, de la jeunesse, de l’adaptabilité permanente on ne peut pas s’étonner que si les progrès scientifiques le permettent, le corps devienne un produit en lui-même, en instance de dématérialisation.
Un produit que les chirurgiens esthétiques rendront beau pour le montrer à la télé réalité, séduire forcément toujours, maquiller jusqu’au bout pour calmer les angoisses du vieillissement et de la mort.
Un produit que chacun bourrera d’antidépresseurs et/ou de stimulants pour que dans l’entreprise il soit adaptable, performant, concurrent. Pour que socialement il soit toujours « fraîcheur de vivre » à la Hollywood Chewing Gum.
Un produit que les sportifs doperont pour enlever une médaille et satisfaire la demande des sponsors, des médias, du public.
Un produit que certains scientifiques sans états d’âme pensent déjà à rendre mutable plus qu’adaptable pour répondre aux contraintes et aux demandes de demain. Et créer les "marchés" du 22ème siècle ?
Un corps-produit que chacun petit à petit se convainc de devoir toujours rendre plus efficace, échappant à tout stress, toute maladie, toute faiblesse. Avec des pièces de rechange toutes prêtes. Toujours beau. Toujours enviable surtout, car dans la compétition permanente que qui compte, ce n’est pas d’être soi, mais d’être mieux que l’autre.
Ces produits on les aura demain.
On sait déjà à quel prix !
Comme toujours en faisant payer le prix de leurs mises au point aux plus faibles d’entre nous –des orphelins par exemple – ou aux plus atteints mentalement par ce fantasme de perfection et d’immortalité.
Une nouvelle guerre va-t-elle éclater, celle que notre fantasme de toute puissance nous fera mener contre nous même ? Y a qu'à demander au côté obscur de la force !
Les z'héros de LVN : Darth Vador forcément !
Puisqu’on est en période de décorticage de texte constitutionnel abscons, voici l’article 3 de cette convention des droits de l’enfant, qui lui a le mérite d’être clair :
1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.