Faut Il Payer Les Bloggeurs ?
En voilà une question qui a l’air saugrenue : faut il payer les bloggeurs ?
Et puis quoi encore ! Payer des gusses (et des gussettes), les yeux rivés sur leur écrans, qui propagent sur le net des petites et grandes nouvelles plutôt que de se consacrer à la compétitivité de leur entreprise, à rien consommer à part des clés USB pour relancer la crouassance, et autres billevesées indispensables à la grandeur et l’avenir du pays.
Non mais dès fois !
Et c’est vrai que les bloggeurs se mêlent de tout (et de rien), ça blablate en tout sens, à tort et à travers mais pas toujours. En quelques heures, en quelques jours et quelques clics voilà que s’installe ici un débat sur la constitution européenne, que se relaient là des actions pour protéger des sans-papiers, ailleurs dénoncer les agissements stupides de toutes sortes de hiérarchies, ou encore pointer des abus et des mensonges de toutes sortes, combattre des idées reçues… bref, offrir au sens le plus large matière à réflexion, aller plus loin qu’un prêt à penser pré-digéré, permettre aux uns et aux autres de se confronter à d’autres réflexions et se faire leur propre idée sur les grands petits rien quotidiens.
Et alors ? Pourquoi payer les bloggeurs ?
Ben quoi ! Vous savez bien qu’il existe tout un tas de professions qu’on paye très bien pour faire ce que font collectivement et de façon informelle toutes les tribus du blog !
Essayer de comprendre et interpréter la réalité pour vendre très cher leurs conseils, n’est ce pas ce que font les publicitaires, les conseillers en image, les sondeurs, les lobbyistes de tout poil, les boites de conseil et autres « influenceurs » patentés ?
D’ailleurs se faire payer, ou trouver un moyen de monnayer ou rentabiliser son activité de bloggeur, on en connaît qui essaient de le faire. Ils vendent leur image préfabriquée (le blog sera la com’ de demain et tout ce genre de fadaises), cherchent à capter d’autres blogs pour montrer qu’ils fédèrent et représentent plus qu’eux-mêmes, cherchent des angles pour trouver un marché (qui les entreprises, qui la politique en pleine blogo-gadgetisation, qui le monde virtuel de demain…). Une vraie course poursuite vers le tout à l’ego !
Mais il n’y a qu’un ch’ti problème !
Et c’est que justement les bloggeurs ne sont pas payés !
Le blog c’est gratuit, c’est pour rien, c’est du bénévolat ! Nos billets, nos discussions et ce que chacun en retire c’est gratuit, sans but lucratif, aussi faibles et futiles que cela puisse être parfois. Et donc pas soupçonnable d’être récupéré par quoi ou qui que ce soit. La seule vraie valeur, c’est la (bonne ou mauvaise) foi que chacun met dans ses textes et transmet à tous ceux qui souhaitent le (la) lire sans contrepartie. Et justement, cette valeur là n’est pas à vendre ou à promouvoir. Essayer de la vendre, c’est la faire disparaître.
La majorité des blogs forment une foule sentimentale comme dirait Souchon, et de cet anonymat de pseudos elle en tire à la fois sa force et ses limites. En tout cas tant qu’elle prend l’argent comme objet et qu’elle n’en devient pas le sujet.
Et ce n’est pas rien ! Par exemple : l’anonymat des pseudos.
Ici nous ne posons pas souvent la question, mais il suffit de savoir que les autorités Chinoises –bien connues pour leur large ouverture d’esprit- entend maintenant exiger que leurs bloggeurs nationaux soient obligés de se déclarer sous leurs identité réelle pour comprendre qu’il y a là un peu trop de libre pensée qu’ils souhaitent contrôler.
Devant n’importe quel lobby, n’importe quelle forme ou organisation susceptible de monnayer (pour son profit, son autorité ou sa notoriété) sa capacité à influencer quelque sujet ou opinion que ce soit, il suffit qu’en face se mette à réagir un nombre suffisant d’anonymes, qu’une quantité de Mr ou Mme Tout Le Monde ne s’en saisisse et c’est terminé. Les premiers poursuivent un objectif plus ou moins affiché, quand les seconds se contentent d’être sincères.
Alors bien sûr que payer les bloggeurs est une question débile que je n’aurai pas dû poser (mais c’était trop tentant) !
Ca vaut la peine d’y penser aussi au delà du blog (horizon infini pourtant) !
Quand –par exemple- on nous serine à tout va que tout s’achète et que tout se vend, que le « marché » a toujours raison, que le chiffre d’affaire est toujours et partout l’alpha et l’oméga du fonctionnement humain, que le commerce garantit la paix entre les nations...
Rien n’est plus faux ou plus stupide !
Pensez à tout ce que chacun fait bénévolement ! Diffuser de la réflexion sur les blogs, mais aussi apprendre à un gamin à faire la cuisine ou à jouer d’un instrument de musique, prêter un livre, réparer la voiture de sa voisine, faire les courses de la mamie au col du fémur en vrac, rencontrer des malades dans des hôpitaux, visiter des prisons, nettoyer des marées noires, entretenir des sentiers de randonnée, donner des cours d’alphabétisation dans des associations de quartiers, faire des démarches administratives pour un SdF…
Tout cette énergie, tout ce temps jamais compté, tous ces échanges non rémunérés… est ce qu’ils ne créent pas une richesse jamais comptabilisée dans les profits des entreprises, ou le budget d’une nation ? Une richesse qui ne finit pas sous forme de billet de banque dans la poche d’un seul d’entre nous ? Une richesse qui dépasse en plus sa seule supposée valeur marchande car elle nous apprend à vivre ensemble ?
La gratuité, la vraie, c’est –tant qu’elle le reste- la force économique la plus puissante qu’on puisse créer.
Et alors !
Elle est pas belle la vie gratuite ?