Singapore Turns Offs
Suite et fin de la découverte de Singapour.
Qu’est ce qu’être Singapourien ? On peut franchement se poser la question tant cette cité-état paraît vouloir s’appliquer à être un modèle international. Et finalement c’est peut être ça être Singapourien pour des yeux occidentaux.
A défaut d’avoir des caractéristiques nationales propres, l’identité des Singapouriens paraît s’affirmer dans leur fringale à être les premiers en Asie du sud est à avoir autant et aussi bien que ce qui peut exister ailleurs. Et à consommer frénétiquement tout ce qui symbolise la réussite moderne. On y trouve tout ce qui fait tendance par chez nous : une boutique Manchester United, des téléphones portables dernier cri, des bars à la mode, jusqu’à une franchise du Crazy Horse (!!!) qui emploie évidemment des filles occidentales plutôt que de charmantes Singapouriennes (c'est dans la pub)…
En souhaitant vouloir toujours être le premier de la classe Singapour se construit sa propre image basée sur la réussite et la performance. Une image qui se vend bien en matière d’investissement, mais qui pour le visiteur laisse une drôle d’impression : mais ou sont donc les vrais Singapouriens ?
Ils sont sûrement dans leur histoire et leur situation régionale spécifique.
Ancienne colonie britannique, Singapour est un peu à l’image de Hong Kong, une île état qui a construit sa richesse sur sa situation géographique privilégiée, son port franc, des liens commerciaux anciens avec l’Europe, l’Amérique ou les pays environnants. Elle n’a pas vraiment d’histoire ancienne en tant que nation, contrairement à la Thaïlande par exemple, l’ancien royaume du Siam qui lui n’a jamais été colonisé, possède sa propre langue, etc…
Singapour est un pays jeune, indépendant depuis les années 60, et qui aurait adopté dès le début le « enrichissez vous » de la Chine d’aujourd’hui en zappant la période communiste, mais en en conservant tout l’aspect autoritaire. Amusant de voir que pour un paradis libéral, l’état intervient pourtant de façon très directive et paternaliste dans la vie de ses citoyens et des entreprises. Comme quoi, quand on parle d’intervention de l’état, certains avant de beugler à l’atteinte à la libre entreprise feraient mieux d’y réfléchir à deux fois. Parfois ça donne d'étranges résultats, vous vous rappelez peut être du scandale de la Barings Bank plombée par Nick Leeson son courtier (britannique). C'était à Singapour.
Le niveau d’éducation y est élevé, ainsi que le niveau de vie, le système de santé, etc… est fourni en échange d’une soumission de la population à la direction « éclairée » des responsables politiques dont l’influence reste grande et les opinions franchement rétrogrades. A Singapour on trouve ainsi la notion de « senior minister » c'est-à-dire d’anciens gouvernants à la retraite mais dont l’influence et le pouvoir restent grand, et les opinions tranchées à la hache : Lee Kwan Yew, Senior Minister et figure emblèmatique de Singapour : « Je ne crois pas à la démocratie », rideau.
Singapour est ainsi très en avance sur les pays de la région, et fait tout pour conserver cette avance afin de pouvoir continuer à exister économiquement et politiquement. Il faut reconnaître que la concurrence avec les voisins se renforce avec la croissance dont bénéficie la région. Et que Singapour a eu des raisons de se méfier de ses voisins, encore moins démocratiques si on pense aux dictatures de Suharto en Indonésie, de Marcos aux Philippines, sans parler du Vietnam, du Cambodge… et dans une moindre mesure de la Thaïlande ou de la Malaisie.
C’est par exemple rigolo de voir cette recherche d’image de premier de la classe caractéristique de Singapour à travers l’architecture.
Dans le centre ville et les zones marchandes le tape à l’œil règne. On reconnaît les buildings et centre commerciaux par période. Les modèles bétons des années 70 sont encadrés par ceux façon marbre et acier des années 80-90. Et aujourd’hui Singapour cède à la tentation du tout verre et acier comme on le fait maintenant, par exemple avec la bibliothèque nationale flambant neuve. On peut d’ailleurs penser que ce genre d’architecture est dans cette région d’une débilité intense vu que sous l’équateur je vous laisse imaginer les coûts pour refroidir l’intérieur d’un bâtiment pareil.
Quand on quitte ces secteurs là pour les quartiers résidentiels, on a vite fait de tomber sur des cités faites de barres alignées les unes derrière les autres en rangs serrés. C’est toujours aussi propre mais franchement plus moche ! Pour s’y retrouver, le pauvre Singapourien(ne) qui a un peu picolé le soir après le boulot peut compter sur les immenses numéros peints parfois sur les façades et qui lui indiquent qu’il est bien arrivé dans le bon building.
Mais s’il y a semble t’il peu de sauvageons dans Singapour, la région elle reste quand même instable, et les sujets de dispute autour du partage des eaux territoriales contenant tout plein de pétrole n’encouragent certainement pas le pouvoir de Singapour à relâcher l’emprise sur les communautés qui la compose.
Car là aussi, Singapour a dû intervenir pour faire en sorte que Chinois, Malais et Indiens qui forment les 3 communautés de l’île cohabitent correctement et se reconnaissent en tant que Singapouriens avant tout. Pour contrer les tensions communautaires qui ont parfois dans le passé dégénéré en émeutes, la carotte et le bâton ont semblés être des armes plus efficaces à Lee Kwan Yew et ses amis plutôt que l’exercice d’une démocratie réelle.
A l’arrivée, tout cela ne donne pas vraiment l’impression à un visiteur étranger que le Singapourien existe sous le conformisme qu’on attend de lui.
Y a-t-il vraiment une opposition à Singapour ? Les jeunes aspirent ils à un autre discours et à d’autres comportements de leurs élites ? Sont ils prêt à sacrifier ce qu’on leur demandera pour la seule réussite économique ? Existe il d’autres avis que le discours officiel et plutôt ultra conservateur en matière de mœurs, de liberté d’expression, de droits à la différence, de réflexion… ?
Après tout, puisque l’influence de ce qui se fait partout dans le monde joue un rôle important à Singapour, comment le pouvoir va-t-il arriver à juguler l’émergence d’une plus grande demande en matière de liberté individuelle, qu’elle soit sociale, économique, syndicale, sexuelle ou tout ce qu’on voudra.
L’état Singapourien évolue avec son temps. Plutôt que de continuer à donner dans le bon vieux tout répressif, il autorise quelques ouvertures pour mieux contrôler d’éventuels débordements. La télé se fait plus permissive, les groupes de « rock rebelle » se retrouvent dans des Star Ac’ tout aussi débiles que les nôtres… Bref, comme chez nous, le contrôle par les médias et la consommation se substitue efficacement au contrôle policier en fabriquant du mouton consumériste relativement docile.
Mais le discours général évolue peu, et reste très proche d’un conservatisme culturel très « chinois » dans l’esprit : l’individu doit s’effacer devant le groupe. On comprend que la démocratie à l’occidentale ait du mal à convaincre ceux qui contrôlent le pouvoir.
Pourtant à Singapour comme ailleurs, on trouve des voix –entre autres sur les blogs- qui réclament plus de liberté et de respect pour les homos, plus de choix et d’autres options en matière politique, plus de remise en cause de pas mal de comportements et d’habitudes locales, plus de considération et de droits pour les minorités et notamment l’immigration venue de Malaisie, d’Inde ou d’Indonésie, plus de remise en cause de l’influence des religions et de la tradition, etc, etc…
Par exemple la grande affaire du moment tournait autour de la sexualité des mineurs, après qu’une jeune fille ait retrouvé sur internet les ébats qu’elle avait filmé grâce à son téléphone portable. Derrière les commentaires faussement compréhensifs, mais rappelant à l’ordre et au respect de la bonne moralité les jeunes filles dont l’image respectueuse constituerait la seule vraie et bonne protection, quelques voix en ont profité pour évoquer les censeurs et les comportements en matière de sexualité qu’ils s’autorisent dès qu’ils franchissent les frontières de Singapour.
Bref, Singapour n’est pas que cet espèce de club Mickey géant ou de CenterParc aseptisé et performant auquel on essaie de nous faire croire. On trouve des Singapouriens moqueurs et hilares, qu’on entend pour l’instant officiellement encore bien peu, mais pour qui la fontaine du « Merlion », cet hybride Lion-Poisson qui symbolise Singapour est devenu un mot synonyme de vomir.
Rassurant ?
Des blogs à découvrir :
www.yawningbread.org
http://www.flyingchair.net/vote.php?categoryID=4
A part ça, LVN est en vacances la semaine prochaine. Après les douceurs équatoriales et exotiques de l'extrème orient, je pars respirer le bon air des montagnes, perfectionner le planté de baton et boire un petit vin chaud !
Bon week end à tous et toutes.