Lubitsch Or Not Lubitsch.
Comment parler de ce film "To Be Or Not To Be" ? Comment parler d'un cinéma de vieux, en noir et blanc, sans effets numériques, avec des dialogues de plus de 3 syllabes, sans fille nue assassinée au bout de la 5ème minute ? On peut même se demander si cette caricature du film pour "jeune" existe vraiment ? L'écran géant Place d'Italie, spécialisé dans la bouse à grand budget et grand spectacle annonce une telle baisse de fréquentation qu'il est prévu de le fermer. Qui connaît ce fameux "jeune" au fond ? Pourtant dieu sait qu'on nous en parle en ce moment, comme si Le Jeune était une espèce animale (sauvage) uniforme.
Passons... Je parlais de quoi au fait ? Ah oui, de films de vieux.
Pour vous intéresser je pourrais dire que c'est un film de guerre rigolo !
De guerre parce que ça se passe pendant l'occupation nazie en Pologne. Rigolo, parce que ça raconte les tribulation d'une troupe de théâtre qui essaie tant bien que mal de jouer Hamlet (ça a l'air rigolo ça ?) parmi de multiples aventures dont l'arrivée d'un aviateur allié.
Mais comment ne pas trouver rigolo un réalisateur capable de pondre des répliques comme celles-là :
Le Colonel Herhardt : "Oh oui, je l'ai vu dans Hamlet à Londres. Ce qu'il a fait à Shakespeare, nous sommes en train de le faire à la Pologne".
Greenberg : Mr Rawitch, ce que vous êtes je n'en mangerai pas.
Rawitch : Comment osez-vous me traiter de jambon ?
Maria Tura : La façon dont vous attirez l'attention devient ridicule. Si je dis une blague vous racontez la chute. Si je suis un régime, vous perdez du poids. Si j'attrape froid, vous toussez. Et si un jour nous devons avoir un enfant, je ne suis pas certaine de vouloir en être la mère.
Josef Tura : Je serais content d'en être le père.
Anna : ce qu'un mari ignore ne fera pas de mal à sa femme.
Josef Tura : Si je devais ne jamais revenir je pardonne ce qui s'est passé entre toi et Sobinski. Mais si je reviens, ça sera une autre histoire !
Colonel Herhardt : On a appelé un cognac du nom de Napoléon, Bismarck a donné son nom à un hareng et le fuhrer finira en morceau de fromage.
Lubistch le réalisateur, plutôt que d'utiliser les grosses ficelles du comique à la Française, dans la digne descendance du vaudeville à caricature que nous aimons, pour le meilleur (depuis Feydeau jusqu'aux Bronzés) ou pour le pire (Brice de Nice, Les Robins des Bois) se contente de pousser chacun de ses personnages jusqu'au bout de leurs désirs et de leurs volontés. Bons ou méchants ils ne sont jamais instantanéments considérés comme ridicules, mais ils le deviennent parce qu'ils vont au bout de leur logique. D'ailleurs c'est une phrase qu'on lui attribue : "Finalement l'être humain le plus digne est ridicule au moins deux fois par jour".
Lubitsch se moque de la morale et du moralisme, il choisit même un voleur et un pickpocket pour son film Haute Pègre en plein "Code Hays" le code moral du cinéma américain. Mais il nous dévoile à coups de situations absurdes et de dialogues cocasses l'inséparable double nature de l'homme, ce qu'il peut avoir de bon, et de moins bon.
Pour dénoncer dans les années 30/40 le nazisme par l'arme dévastatrice du comique il y a eu deux très grands films : To Be Or Not To Be et Le Dictateur de Charlie Chaplin.
Je ne sais plus quand j'ai vu ce film pour la première fois. Pas seulement parce que je commence à perdre la mémoire, mais aussi parce que... euh... ah oui !!! pas seulement parce que je perds la mémoire.
Pardon !
Et aussi parce qu'à chaque fois, c'est comme si je le voyais pour la première fois.
Alors vraiment si -pour ceux qui ne l'auraient pas vu- vous décider de passer à côté d'une heure quarante de bonheur, je ne vois comme seule bonne raison, celle invoquée par Gilda Farrell dans "Ménage A Trois" :
Max : Est ce que tu m'aimes ?
Gilda : Oh Max, on ne devrait pas poser cette question le soir de sa nuit de noces. C'est soit trop tôt, soit trop tard.