Hable Con Ella
Ce film d'Almodovar est repassé hier à la télé. Et en une seule note j'aurai bien de la peine à raconter pourquoi il représente tant pour moi, et comment il s'est imbriqué étroitement à un moment particulier de ma vie.
Mais un souvenir me revient en mémoire.
Nous étions en train de répéter notre spectacle d'été. Le moment de bravoure -en quelque sorte- de mon groupe se faisait avec la musique de ce film. Et puis il y avait ce court passage qu'on avait ajouté.
Un groupe de danseuses entraient côté cour, un autre de danseurs côté jardin.
Disposés sur la scène, nous devions nous enlacer par couple, et tout doucement au rythme de la musique commencer à osciller et à tanguer, toujours enlacés, de plus en plus, jusqu'à ce que la danseuse repousse le danseur qui traversait la scène jusqu'aux coulisses.
C'était juste un intermède, entre deux tableaux. Si ça durait une minute ou deux c'était le maximum.
Aux répétitions j'avais fauché la place de H. Exprès pour me retrouver avec elle. Il n'avait rien dit, m'avait laissé sa place, sachant sans vraiment savoir.
Ce n'était pas compliqué à faire, il suffisait de rester dans le timing, alors nous ne l'avons répété que deux fois.
Le soir du spectacle il fallait arriver sur le plateau en marchant au moment ou la musique se mélangeait avec un bruit d'orage et de pluie. Nous étions de profil par rapport à la scène, je l'ai prise dans mes bras. Nous avons commencé à tanguer doucement.
Il fallait jouer le moment de séparation avec une sorte de violence.
Mais, juste avant qu'on se sépare, de son bras tourné côté coulisses que le public ne pouvait pas voir, elle a serré le mien, le pincant doucement comme on peut prendre affectueusement la joue d'un enfant entre ses doigts. Elle a murmuré trois mots dans le creux de mon cou, sa tête cachée du public par la mienne. Je lui ai répondu avec un souffle qui lui disait que je l'avais entendue et que je la remerciais.
Tant de choses étaient rassemblées dans cet intermède si court.
Le spectacle a continué. C'était bien.
Je parle toujours avec elle.
Et ce film, quand je le revois, je sais qu'il contient toujours autant de larmes... et de joie.