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16 février 2005

Rocker !

C'est cette petite musique de ce matin qui m'a donné envie de ce post : « une bande magnétique / un soupir lui échappe / sur un écran géant / une goutte de sang… ».

J'avais 14 ans (et toutes mes dents), j'habitais cette banlieue sud un peu propre ceinturée de coins un peu plus cra-cra. Plus les lieux portaient des noms poétiques « cité des fleurs », immeuble « Delacroix » ou « Monet », rue « de la villa Flamande », jardin des « Sorbiers »… plus les lieux en question rassemblaient des cages d'escalier grises et poussiéreuses, des ascenseurs en panne, des habitants revêches et indifférents embringués dans leur métro-boulot-dodo. On appelait ça la « banlieue dortoir » alors.
Les distractions se limitaient à quelques rares cinémas, deux ou trois cafés avec flippers et 'space invaders' inclus, le club de foot, le patronage catholique, la rue surtout et sinon… rien.

On ne parlait pas encore de quartiers, mais de cités déjà. Il était difficile pour des yeux extérieurs et non exercés de distinguer le bâtiment de la prison de Fresnes de ceux qui l'entourait ou vivaient mes potes de lycée et leurs familles.

Les 'mobs' remplaçaient les scooters, les 'blousons noirs' et Lucien de Margerin étaient les gangsta' rappeurs d'aujourd'hui, les DS valaient les Béhèmes, OK-Podium c'était les précurseurs de la Star'Ac'. Il y avait déjà les centres commerciaux, les skates, les fringues Adidas, et les premiers Fast Food étaient en train de débarquer… et coetera…

Le lycée était stratifié en bandes d'allures distinctes.

 

Le « no man's land' des élèves standards, sans apparence particulière. Des gens souvent inoffensifs, transparents et timides, mais qui valaient parfois la peine d'être découverts. Pouvant recéler des trésors de gentillesse, d'un besoin monstre d'amitié, et des sacrés rigolos en puissance.

 

Les 'petits fronts', soit le 1er rang des bosseurs, souvent fils de profs eux-mêmes, élevés (malgré le discours contraire de leurs parents) dans le culte de la bonne note. Allure 'tradi' Fig Mag, bleu marine, écharpe Burberry's, fausses Weston aux pied, vacances en Bretagne. Communément baptisée sous le sigle BCBG. Politiquement d'accord avec papa et maman. Comme cette 'Marie Pierre' inaccessible avec qui je ne partageais –hélas- que la représentation des élèves aux conseils de classe. Futurs prétendants khagneux qui s'extasient aujourd'hui sur Vincent Delerm.

 

Les « babos », inspirés par leurs grands frères et sœurs. Des survivants seventies en gros pull de laine, jean difforme vaguement crado, écharpe mauve ou keffieh palestinien (top tendance) autour du cou. Commençant toutes leurs phrases invariablement par « tu vois… ». Consommateurs de shit, écouteurs de Genesis (« tu vois c'était quand même mieux quand y avait Peter Gabriel ») et de Bob Marley ou Steel Pulse (excellent) dont les noms recouvraient leurs sacs US kaki. Se destinaient à des métiers artistiques : dessin, poterie, macramé. Voyageurs façon routard. Politiquement concernés (« tu vois la peine de mort et ben, et ben c'est pas bien »).

 

Les « hardos », non pas des précurseurs de l'industrie du porno, mais les mêmes que ci-dessus pour le look général. Mais avec des T-Shirt noir arborant 'Motorhead' ou 'ACDC' ou 'Queen' pour les plus ambivalents d'entre eux. Presque toujours des garçons, dont la plupart sont partis dans des filières techniques : électronique, informatique… Grands fabricants de groupe de rock censés exister un jour (j'attends toujours la formation de 'Megawatt'). Politiquement formés par Trust : antisocial tu perds ton sang froid.

 

Les « jeunes délinquants », les zonards, les cancres, les fouteurs de merde. Préparaient activement leur reconversion en BEP technique en séchant les cours, ne foutant rien, chourant les mobs, terrorisant les 'no man's land' et les 'petits fronts'. Certains sont allés faire un tour en prison. Situation sociale et familiale souvent merdique. Et parfois, sous cette merde, des gens en or. Mériteraient plusieurs notes à eux seuls. Je ne m'y attarde pas pour cette fois.

 

Les « discos ». Assez rares, et souvent très très cons. Brushing quotidien, tout dans les fringues, rien à l'intérieur. Seul objectif : se faire un max de meufs / keums en sortant en boite le week end. Degré zéro de la pensée, option ragots de concierge au bac, frime à tous les étages. « Nos » ennemis jurés. Seul point de contact « Chic – Le Freak C'est Chic » et autres Earth Wind & Fire irrésistiblement gigotants, bien que ça me fasse encore mal au dents de l'admettre. Aujourd'hui, va sûrement faire du shopping à Dubaï pour les soldes, et travaille dans la pub ou la com'.

 

Quelques « Curistes » aussi, tout en noir intérieur et extérieur. Voit noir, pense noir, mange noir, vit dans le noir. Ressource son karma en écoutant Cure, Joy Division, Siouxsie and the Banshees d'un air pénétré. Très romantique malgré ces coupes de cheveux 'arboricoles'. Quasi asocial ou frappés d'aphasie. Ne parlent qu'à leurs semblables.

 

Et nous quatre.

La micro société rock-new wave. Lecteurs pointilleux de Rock & Folk et Best (bien plus tard des Inrocks naissants), de science-fiction et de Bd (considérés à ce moment comme preuve de débilité achevée), de Bukowski, Salinger, Selby… Assimilables plus tard à ce que la société va produire de pire sous le terme « Les Branchés ».

Reconnaissons le : snobs. Par goût de ne pas être comme les autres, de ne s'en laisser compter par rien ni personne, sinon toutes ces choses inaccessibles à nos moyens : le punk à New York, les soirées au Palace, bosser chez Rough Trade, rencontrer Andy Partridge d'XTC…

 

Snobs mais accessibles aux autres bizzarement. Les 4 seuls qui parlent avec tout le monde (à part les Discos c'est vrai), empruntent à toutes les autres tribus, se fichent du modèle scolaire tout en essayant d'y garder sa place au moment des exams. Dilettantes, Tire Au Flanc, Pas Grande Gueule mais sympathiques. La preuve ? Elu au conseil de classe alors qu'il ne se présente même pas (au grand dam du 'petit front' qui en avait fait un plan de carrière). C'est nous !

 

On vole à nos parents de quoi fabriquer notre look. Hop la veste à papa, par ici la bonne soupe, pour aller avec mon look 'Two Tone' emprunté aux Specials ou à Elvis Costello.  Hop, le kilt écossais rouge de la grande sœur qui rentre plus dedans, voilà pour toi ma jolie, ça ira bien avec ta paire de Doc'. L'ensemble est souvent pas terrible quand même! On n'a pas du tout (mais alors pas du tout) les moyens de nos ambitions. Pas d'eurotunnel pour aller dénicher nos trésors à Londres. Au mieux, on part parfois faire une descente à New Rose, 'ze' disquaire, acheter des 45 tours des Jam, à l'anglaise avec un petit trou de 33 tours dedans. Et acheter le NME pour se tenir au courant, même si on ne comprend rien à 90% des articles.

 

Contre tous les 'Téléphone' nous soutenons Taxi Girl, Marquis de Sade, Bijou ou Lili Drop malgré les railleries des autres tribus. Tant mieux après tout ! On veut pas être eux. On veut être nous.

Notre angoisse, être récupéré, rattrapés, assimilés ou assimilables, devenir 'middle of the road' est le pire qui peut nous arriver. Contradicteurs automatiques de tout et de tous, boulimiques, insatiables, un peu risibles et très dérisoires. Ados quoi ! Heureusement, l'époque est avec nous. Le rock, la science fiction, la BD, une nouvelle littérature, un autre cinéma… sortent de l'ombre et nous portent, pour nous apprendre à nous nourrir de nos désirs.

Même si j'ai bien changé depuis, ce cadeau, cette envie, ce besoin là est ma meilleure assurance vie.

Sur ce dessin de Serge Clerc –alors notre idole bédérock-, c'est nous quatre (le 4ème, moi avec des lunettes, je suis caché sur le volet replié de cet album. hi hi hi) tels que nous nous voyions alors.

 

J'aime mieux vous dire que sur les très rares photos, c'est autrement plus pathétique, mais tellement plus vrai finalement.

 


Source : lambiek.net

Serge Clerc fait ses débuts en 1975 dans le mensuel Métal Hurlant. Son premier récit, 'Captain Futur', sort en album en 1979, aux Humanoïdes Associés. D'abord influencé par Tardi, Sire et Voss, Serge Clerc est très vite converti à la ligne claire et au style atomique popularisés par des artistes comme Chaland, Ever Meulen et Swarte. En 1984, la publication de 'La Légende du Rock & Roll' attire l'attention de la bible des amateurs de pop, l'hebdo britannique Melody Maker, pour lequel il travaille comme illustrateur freelance. Entretemps, ses récits continuent d'alimenter le sommaire de Métal Hurlant, jusqu'à la disparition du magazine en 1987. Il réalise quelques histoires courtes avec François Avril pour l'anthologie 'Frank Margerin présente...'.

En 1997, 'Les Limaces Rouges' paraissent dans Heavy Metal Magazine. En 1999, Serge Clerc signe son retour sous les feux de l'actualité de la bande dessinée avec une nouvelle livraison d'histoires courtes. 'Irrésistible Ascension' est sa dernière publication.

Le site de Serge Clerc (en anglais) : http://www.atoomstijl.nl/clerc/index.html

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Commentaires
G
Genesis, tu vois, c'était quand même mieux quand y avait Pete Gab.<br /> <br /> :-))))
L
> Samantdi.<br /> Je reconnais bien là la tendance Toulousaine Rugby-Pitchouli que j'ai croisé un peu plus tard chez des adeptes furieux de la troisième mi-temps (objectif : montrer ses fesses à tout et n'importe qui).<br /> C'est vrai qu'on lisait Actuel (Mes parents : mais comment peus tu lire un truc pareil).<br /> <br /> > Catz.<br /> Tu semblais aussi "indépendantiste" que nous autres. Rétrospectivement c'est une chance que ces 4 là se soient recontrés et adoptés comme ça, sur plus de non-dits et d'attitudes que de réelles décisions.<br /> <br /> > Pilar.<br /> Oui, c'est vrai. C'était une ambiance assez extra, je ne sais pas si elle existe encore ? C'est vrai qu'on pouvait fumer en cours de philo !!! Notre prof entrait en classe en marchant sur les mains !<br /> Si !<br /> <br /> > Jean Jacques.<br /> Merci de ton passage ici. En fait on roulait pas sur l'or. Pas une thune et des parents pas du tout dans la démarche de financer les plaisirs de leur marmaille. C'est aussi une époque de kleptomanie active dans le rayon librairie de la Fnac. A très bientôt.<br /> <br /> Tu trouves que P.Gabriel ne chante plus ?<br /> <br /> > Swahili.<br /> Des confitures bonne maman ! Arf !<br /> <br /> >Anne.<br /> Alors adopté.<br /> <br /> > Ludecrit.<br /> Plutôt pour le côté 'petit front' !<br /> :-))<br /> Mais un petit front spécial alors car normalement les "petits fronts" ne sont pas rebelles.<br /> Ah, et oui, ce ne sont pas des ciseaux, c'est des baguettes de batterie.<br /> ;-)
L
le hi hi hi c'est à cause de Delerm ?<br /> "petits fronts" j'adore cette expression, mais déjà j'étais en révolte permanente...<br /> il y a une chose qui m'interpelle sur la couverture de la Bd, dis-moi la fille avec les ciseaux elle veut couper quoi ? ah le son !!!<br /> bonne journée placée sous le signe de la malice
S
c'est vrai, je fais même des confitures ;)!
A
Rebelle free lance, j'adore, j'adopte si tu permets !
L a V i t a N u d a
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