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11 février 2005

L'Ecole Est Dans La Rue

Ces jours-ci j'ai lu et entendu beaucoup de choses sur le « retour des manifestations des lycéens et lycéennes ». Ca allait du ridiculissime commentaire de F.Fillon qui se contentait d'évacuer les grognons (dans sa gueule) à coup de « ils n'ont pas compris mon projet » ('sont bêtes ces lycéens), « ils sont manipulés » ('sont cons ces lycéens), « au minimum, ils ne ont été mal informés » ('sont vraiment des crétins ces lycéens).
J'ai lu aussi ici et là pas mal de notes ou d'articles qui s'interrogeaient sur les différentes façons d'être mécontent (comme cette courte note de Lysp).

Ce serait idiot de croire que la seule manipulation politique ai fait descendre 100 000 lycéens dans la rue. Même si paraît-il nombre d'entre eux ne sauraient pas exactement pourquoi ils manifestent précisément (sans blague !). Croire qu'on va se les geler à baguenauder dans la rue pour protester sur rien relève de l'ignorance la plus totale. Il est vrai que cette ignorance on ne manque pas de la stigmatiser quand on parle des résultats de notre système éducatif (à me relire, je suis moi-même atterré par mes fautes d'orthographe et de grammaire que je parsème sur ce blog ! J).

Le fait est que si les lycéens d'aujourd'hui comme leurs aînés d'hier descendent dans la rue, c'est par ce qu'ils s'inquiètent de la détérioration constante du système éducatif, économique et social. Et donc de l'augmentation des inégalités qui vont avec et les touchent en premier, eux qui vont devoir trouver les conditions leur permettant de démarrer une existence autonome. Faut il réellement s'étonner que cette précarisation favorise –par exemple- la montée de la violence chez les jeunes dans les écoles, la rue, les quartiers ou les familles ?

Sans aucun doute s'inquiètent-ils aussi de voir l'école devenir un simple appendice de la machine économique, puisque le même Fillon prévoit d'y faire entrer la police ou l'entreprise. C'est que voyez-vous la guerre économique fait rage ! A qui profite elle ? Elle exige de nous une adaptabilité toujours plus efficace ? Et qui profite le plus de cette adaptabilité ?

Et puis je suis tombé sur cet extrait d'un texte de Raoul Vaneigeim. Il a beau dater de 1967, il n'en exprime pas moins toutes les raisons que Fillon et le gouvernement actuel feignent d'ignorer, et qui expliquent pourquoi les lycéens ont raison de battre le pavé pendant qu'il est encore chaud.

« L'entreprise scolaire n'a-t-elle pas obéi jusqu'à ce jour à une préoccupation dominante: améliorer les techniques de dressage afin que l'animal soit rentable?
Aucun enfant ne franchit le seuil d'une école sans exposer au risque de se perdre; je veux dire de perdre cette vie exubérante, avide de connaissances et d'émerveillements, qu'il serait si exaltant de nourrir, au lieu de la stériliser et de la désespérer sous l'ennuyeux travail du savoir abstrait. Quel terrible constat que ces regards brillants soudain ternis!
Voilà quatre murs. L'assentiment général convient qu'on y sera, avec d'hypocrites égards, emprisonné, contraint, culpabilisé, jugé, honoré, châtié, humilié, étiqueté, manipulé, choyé, violé, consolé, traité en avorton quémandant aide et assistance.
De quoi vous plaignez-vous? objecteront les fauteurs de lois et de décrets. N'est-ce pas le meilleur moyen d'initier les béjaunes aux règles immuables qui régissent le monde et l'existence? Sans doute. Mais pourquoi les jeunes gens s'accommoderaient-ils plus longtemps d'une société sans joie et sans avenir, que les adultes n'ont plus que la résignation de supporter avec une aigreur et un malaise croissants ?
Une société qui n'a d'autre réponse à la misère que le clientélisme, la charité et la combine est une société mafieuse. Mettre l'école sous le signe de la compétitivité, c'est inciter à la corruption, qui est la morale des affaires.
…/…
La seule assistance digne d'un être humain est celle dont il a besoin pour se mouvoir par ses propres moyens. Si l'école n'enseigne pas à se battre pour la volonté de puissance, elle condamnera des générations à la résignation, à la servitude et à la révolte suicidaire. Elle tournera en souffle de mort et de barbarie que ce chacun possède en soi de plus vivant et de plus humain.
Je ne suppose pas d'autre projet éducatif que celui de se créer dans l'amour et la connaissance du vivant. En dehors d'une école buissonnière où la vie se trouve et se cherche sans fin - de l'art d'aimer aux mathématiques spéculatives -, il n'y a que l'ennui et le poids mort d'un passé totalitaire. »

Raoul Vaneigeim.

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Une mine d'or !
Scott Mac Cloud est un prof de génie !
Son site et son blog est là : www.
scottmccloud.com

 

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Commentaires
A
Damned ! Ferry doit lire ton blog vu sa décision récente...<br /> <br /> ;-)
L
> Jocaste.<br /> Merci Jocaste. Dimanche, le Ballet de Lyon et le 'Tricodex' de Philippe Découflé m'attendent. Miam !<br /> <br /> > Catz.<br /> Sur que ça plairait à Vaneigem !!!<br /> LVN en petite bestiole de coin de page Gotlibienne.<br /> <br /> > Barnabé.<br /> Je n'oserai pas croire que les étudiants qui manifestent aient tous en tête une sorte de bréviaire Vanégeimien. Manquerait plus que ça !<br /> :-)<br /> Ce que je crois, c'est que même si certains ont des demandes assez prosaïques et égoïstes concernant leurs réussite scolaire, que d'autres sont plus politisés, qu'une partie est relativemetn ignorante des enjeux et peut-être manipulée, etc, etc... <br /> Je crois que en toile de fond, ce qui les fait descendre dans la rue, c'est le sentiment de plus en plus grand d'incertitude qui pèse sur eux.<br /> C'est là ou à chaque fois tous les gouvernements de gauche et de droite de ces 20 dernières années (c'est l'historique que je peux retracer, et ça me rajeunit pas non plus. Hi hi hi) se sont plantés.<br /> Parce que derrière l'abandon ou le maintien de réformettes qui ne trompent personne, tout le monde comprend ou sent qu'il n'y a pas de projet solide et refondateur d'un système éducatif.<br /> C'est comme ça qu'ensuite, tout se reporte sur la responsabilité du "prof", censé à lui seul pouvoir dénouer ce qu'il ne lui a pas été permis d'élaborer.<br /> J'ai l'impression qu'à leur âge j'étais pareil. Les initiatives ministérielles me disaient surtout qu'on était en train de se moquer de nous.<br /> <br /> De ce point de vue, j'ai l'impression qu'on en est à progrès zéro.<br /> <br /> Reposes toi bien, on a pas fini d'en porter des banderoles et des pancartes !<br /> Bon week end Barnabé.<br /> <br /> > Pilar.<br /> Sacré Marcel !
P
pour Gotlib qui m'a fait mourir de rire
B
Je suis à la fois d'accord et pas d'accord.<br /> <br /> Pour avoir connu les histoires de manif des années 80-90 (merci pour le coup de vieux, vraiment merci !), le lycéen y va avec sa franchise et sa naïveté.<br /> <br /> J'espère que cela a changé mais dans ce genre de contexte, peu d'individus ont lu le projet contre lequel ils manifestent. Il s'agit de la rumeur de rue, d'un sentiment de rejet et l'occasion d'ouvrir sa gueule (ce qui n'est pas un mal).<br /> La contestation est naturelle.<br /> <br /> Alors dans la manif, qui va t-on voir ? Ceux qui sont devant, les mouvements étudiants (politisés), les politiques eux-mêmes et d'autres qui n'ont aucun rapport ave la choucroute.<br /> <br /> D'où ma remarque 'manipulé'. (Je te remercie aussi pour le ridicule, alors là, merci ! *me marre tout seul* ;-))<br /> <br /> Ensuite sur le fond, bien sûr que tu as raison.<br /> Je te suis et porte la banderole à tes côtés (lève pas trop les bras, t'es plus grand).<br /> <br /> Donc, en conclusion de mon humble avis, comme le fond est plus important que la forme, je remets ma remarque dans ma culotte.<br /> <br /> *et suis ridicule* beuh...<br /> <br /> Aparté: vendredi 18h09: faut bien respirer à cette heure ci.
C
Ce texte de R. Vaneigeim me rappelle… les dessins de Gotlib - dans les DingoDossiers je crois - (désolée de ma culture peu littéraire); quand il dessine l'enfant sauvage, "au sortir de sa forêt", vif, souple, vigilant, puis après sa "réeducation sociale" réussie: le voilà un petit employé au regard glauque, œil terne et crayon sur l'oreille…
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