L'Ecole Est Dans La Rue
Ces jours-ci j'ai lu et entendu beaucoup de choses sur le « retour des manifestations des lycéens et lycéennes ». Ca allait du ridiculissime commentaire de F.Fillon qui se contentait d'évacuer les grognons (dans sa gueule) à coup de « ils n'ont pas compris mon projet » ('sont bêtes ces lycéens), « ils sont manipulés » ('sont cons ces lycéens), « au minimum, ils ne ont été mal informés » ('sont vraiment des crétins ces lycéens).
J'ai lu aussi ici et là pas mal de notes ou d'articles qui s'interrogeaient sur les différentes façons d'être mécontent (comme cette courte note de Lysp).
Ce serait idiot de croire que la seule manipulation politique ai fait descendre 100 000 lycéens dans la rue. Même si paraît-il nombre d'entre eux ne sauraient pas exactement pourquoi ils manifestent précisément (sans blague !). Croire qu'on va se les geler à baguenauder dans la rue pour protester sur rien relève de l'ignorance la plus totale. Il est vrai que cette ignorance on ne manque pas de la stigmatiser quand on parle des résultats de notre système éducatif (à me relire, je suis moi-même atterré par mes fautes d'orthographe et de grammaire que je parsème sur ce blog ! J).
Le fait est que si les lycéens d'aujourd'hui comme leurs aînés d'hier descendent dans la rue, c'est par ce qu'ils s'inquiètent de la détérioration constante du système éducatif, économique et social. Et donc de l'augmentation des inégalités qui vont avec et les touchent en premier, eux qui vont devoir trouver les conditions leur permettant de démarrer une existence autonome. Faut il réellement s'étonner que cette précarisation favorise par exemple- la montée de la violence chez les jeunes dans les écoles, la rue, les quartiers ou les familles ?
Sans aucun doute s'inquiètent-ils aussi de voir l'école devenir un simple appendice de la machine économique, puisque le même Fillon prévoit d'y faire entrer la police ou l'entreprise. C'est que voyez-vous la guerre économique fait rage ! A qui profite elle ? Elle exige de nous une adaptabilité toujours plus efficace ? Et qui profite le plus de cette adaptabilité ?
Et puis je suis tombé sur cet extrait d'un texte de Raoul Vaneigeim. Il a beau dater de 1967, il n'en exprime pas moins toutes les raisons que Fillon et le gouvernement actuel feignent d'ignorer, et qui expliquent pourquoi les lycéens ont raison de battre le pavé pendant qu'il est encore chaud.
« L'entreprise scolaire n'a-t-elle pas obéi jusqu'à ce jour à une préoccupation dominante: améliorer les techniques de dressage afin que l'animal soit rentable?
Aucun enfant ne franchit le seuil d'une école sans exposer au risque de se perdre; je veux dire de perdre cette vie exubérante, avide de connaissances et d'émerveillements, qu'il serait si exaltant de nourrir, au lieu de la stériliser et de la désespérer sous l'ennuyeux travail du savoir abstrait. Quel terrible constat que ces regards brillants soudain ternis!
Voilà quatre murs. L'assentiment général convient qu'on y sera, avec d'hypocrites égards, emprisonné, contraint, culpabilisé, jugé, honoré, châtié, humilié, étiqueté, manipulé, choyé, violé, consolé, traité en avorton quémandant aide et assistance.
De quoi vous plaignez-vous? objecteront les fauteurs de lois et de décrets. N'est-ce pas le meilleur moyen d'initier les béjaunes aux règles immuables qui régissent le monde et l'existence? Sans doute. Mais pourquoi les jeunes gens s'accommoderaient-ils plus longtemps d'une société sans joie et sans avenir, que les adultes n'ont plus que la résignation de supporter avec une aigreur et un malaise croissants ?
Une société qui n'a d'autre réponse à la misère que le clientélisme, la charité et la combine est une société mafieuse. Mettre l'école sous le signe de la compétitivité, c'est inciter à la corruption, qui est la morale des affaires.
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La seule assistance digne d'un être humain est celle dont il a besoin pour se mouvoir par ses propres moyens. Si l'école n'enseigne pas à se battre pour la volonté de puissance, elle condamnera des générations à la résignation, à la servitude et à la révolte suicidaire. Elle tournera en souffle de mort et de barbarie que ce chacun possède en soi de plus vivant et de plus humain.
Je ne suppose pas d'autre projet éducatif que celui de se créer dans l'amour et la connaissance du vivant. En dehors d'une école buissonnière où la vie se trouve et se cherche sans fin - de l'art d'aimer aux mathématiques spéculatives -, il n'y a que l'ennui et le poids mort d'un passé totalitaire. »
Raoul Vaneigeim.
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